Présentation
A propos de Pièce(s) détachée(s)
Sur le travail de Toméo Vergès
Une à une désossées, les illusoires certitudes qui nous permettent, tant bien que mal, de tenir debout s’avèrent être autant de pièce(s) détachée(s) et de forces contradictoires qui bataillent au plus profond de nos âmes. Le travail que mène le chorégraphe Toméo Vergès explore le fragment, le discontinu, l’aléatoire, l’illogique. Il plonge une loupe dans les fissures de l’humain. Ainsi scruté de près, le monde révèle de lui une histoire qui navigue entre vérité et mensonge, humour et gravité. Sans la danse décontractée et sensuelle des interprètes, cela pourrait être d’une extrême violence. Avec un sens du burlesque pittoresque, le chorégraphe puise chez les intellos du théâtre, qu’il côtoie de temps à autre, matière à densifier son propos. Et ce qu’il nous dit nous concerne. Car, cela arrive à tout le monde, cette bouffée d’angoisse qui grimpe en nous un jour ou l’autre. Ce déchaînement de l’anxiété qui pousse à prendre pour réalités les pires des cauchemars. Le quotidien des humeurs fluctuantes, autopsié de la sorte, est insupportable. Mais si les peurs ordinaires traversent le propos de Pièce(s) détachée(s), les options surréalistes et donc, forcément cocasses du spectacle en font un objet de réflexion que ne quitte jamais le sourire, au coin des lèvres.
Dans « Pièce(s) détachée(s) » il n’y a pas d’histoire mais de multiples fragments d’histoires qui se croisent et se juxtaposent sans aucun raccord. C’est dans l’affirmation de ces faux-raccords, dans la discontinuité et la dissonance que la pièce prend forme. La construction inspirée du cut-up cinématographique emmène le public dans un zigzag continu, à lui de faire le lien.
Au fur et à mesure que s’accumulent les contradictions, les non-sens, les jeux avec le faux et le vrai, la vérité et le mensonge, apparaît un chaos à la fois « organisé » et aléatoire. Il s’en dégage la question de la rupture à l’intérieur de nous mêmes, du doute quant à notre perception de ce qui est donné à voir : de l’ordre de la représentation ou de la non représentation ? Constituée d’éléments très théâtraux et d’autres plus abstraits cette pièce est un zapping entre humour et gravité dans un monde délirant de faux-semblants aux perspectives poly-dimensionnelles.
Toméo Vergès
Depuis 1992, Man Drake poursuit un travail artistique à la frontière du théâtre et de la danse. Dès ses premières pièces, Toméo Vergès donnait les couleurs d’une démarche qui s’attache à raconter sans réalisme l’homme aux prises avec l’absurdité du monde, il crée Chair de poule en 1992 à la Biennale de Lyon, Salto Mortal en 1996 au Festival d’Avignon.
Proches de l’esthétique surréaliste, ses spectacles nous transportent dans un univers où il n’y a pas véritablement d’histoire. S’il propose des situations dramatiques avec sa cohorte de symboles partagés par tous, c’est pour mieux les détruire et s’adresser ainsi à l’imaginaire de chacun : une tentative de se faire entendre sans mot. Selon une méthode chère à Toméo Vergès, l’une ou l’autre pièce procède par sauts et ruptures, qui autorisent les plus improbables « coq à l’âne », les plus ébouriffantes audaces, rendus possible grâce à une grande connivence entre les danseurs. Avec une force de vie toute latine, il oppose humour et gravité, tendresse et violence, même si dans ses dernières pièces l’humour se fait plus grinçant et plus sombre au fil des séquences : le duo
Axphyxies (1998) ou Pas de panique (1999).
Parallèlement, il propose des performances « hors plateau » conçues en fonction d’un lieu ou d’un événement spécifique : au Forum Culturel de Blanc Mesnil dans le cadre de l’exposition «
Le Temps déborde » en mai 2000, carte blanche « Transgressions » en décembre 2000 pour clôturer la résidence de la compagnie dans ce lieu, à la Fondation Miro de Barcelone en juillet 2000 avec Alvaro Morell et Eve Couturier pour le
Festival Dies de Dansa.
Avenue des Maréchaux 16007 Angoulême