À partir de 7 ans.
La pièce raconte comment Poussière, personnage central, à l’étroit dans le moulin familial, épreuve après épreuve, cherche à échapper à l’ennui et à l’autorité paternelle, avec l’aide de Simon, jeune apprenti meunier, dans l’espoir de partir découvrir un ailleurs. Voici la quête d’émancipation d’un être déterminé à ne pas s’en laisser conter !
Le personnage de Poussière veut voler de ses propres ailes. Compliqué, quand on n’a pas d’ailes ! De la chenille à Icare, il sont nombreux les prétendants au « grand saut » ! Et cette liberté espérée, quel est son prix ? Quels sacrifices en découlent ? C’est le temps de l’enfance qui se termine, celui des choix et des séparations, du temps de la découverte et de la construction de soi.
Poussière, n’est déjà plus une petite fille mais est encore loin d’être une grande personne. Les adultes que nous sommes sont-ils bien les enfants que nous étions ?
Avec Poussière(s), j’exorcise.
Il m’a toujours été si compliqué de choisir la liberté plutôt que la sécurité. Des ramassis d’excuses et des circonvolutions pour ne pas blesser l’autre ou ne pas risquer de perdre une aile. Et pourtant, à chaque fois que j’ai fait le choix du risque, je n’ai pas eu à le regretter ; quitte à me casser le nez, c’était palpitant.
Il s’agit donc d’un texte sur l’accomplissement de soi, sur la désobéissance salvatrice face à l’autorité parfois écrasante.
Et puis Poussière(s) c’est bizarrement aussi une ode à la pudeur : certes il y a des mots, mais il y a également beaucoup à dénicher entre eux, autour et derrière. Il y a des piques, de l’humour, des pastiches de contes de Grimm. Et si l’on creuse un peu, il y a la difficulté de dire l’amour ; le désir de ne pas entraver l’autre en lui en disant trop. Car que faire de ce trop d’amour ? Comment le porter sans crouler sous son poids ? Lui montrer qu’on l’aime, l’autre, qu’on le soutient mais lui laisser la possibilité de s’accomplir, n’apporter aucun bémol à ses choix, quitte à le perdre : n’est-ce pas là la plus grande preuve de notre attachement ?
Et si la langue est musicale c’est aussi que, souvent, c’est à travers les notes et au creux d’une chanson que j’ai trouvé l’expression la plus proche de mes émotions.
Caroline Stella
Je suis souvent touché par des textes dans lesquels l’exil, ou encore la volonté pour un être de s’extirper d’un monde pour en découvrir un autre ou l’errance, est au centre. C’est cet aspect qui m’est apparu clairement dès les premières lectures de Poussière(s) de Caroline Stella. Le personnage de Poussière n’a pas vraiment d’âge. À ce titre, elle pourrait aussi bien être une petite fille de 7 ans pour qui aller acheter le pain au coin de la rue représente le voyage le plus excitant. Elle pourrait être une adolescente de 13 ans qui a soif d’ailleurs et de surprise. Elle pourrait être une jeune adulte de 19 ans s’apprêtant à quitter le foyer familiale, pétrie de doutes, de peurs, mais aussi de curiosité. Cela me touche d’autant plus de part mon insularité. Je suis d’origine martiniquaise, et j’ai fais le choix d’aller vivre à Paris, pour connaître un ailleurs, d’autres lieux que l'île chère à mon coeur.
Et puis il y a la construction définitivement théâtrale que propose Caroline Stella dans son texte. Celle d’un conte, simple, une jeune fille qui s’ennuie dans le moulin familial, que son père veut marier, et qui met tout en oeuvre pour organiser son départ. Et puis un apprenti meunier, amoureux d’elle en secret et qui l’aide pourtant à partir. Il y a des bribes, des inspirations de contes des Frères Grimm, comme des pastiches, des hommages. Mais cela permet aussi d’écrire un conte moderne, de décaler les situations, d’amener la théâtralité et l’instant « i » du théâtre. C’est un autre aspect qui m’interpelle dans un texte, quand il y a une véritable place laissée au metteur en scène pour continuer d’écrire l’histoire et de la raconter au plateau.
Trois comédiens jouant les six personnages de la pièce. Ils accueillent le public tout en buvant leur café et en regardant régulièrement l’heure, attendant le top départ pour commencer à raconter l’histoire. Et puis c’est parti, ils mettent tout en place. Ils composent et enregistrent en temps réel la musique du spectacle, avec leurs corps-percussions, leurs voix, de petits instruments. Ils installent l’espace de jeu et celui du hors-jeu. Tout va se faire devant le spectateur.
J’imagine un espace circulaire marqué au sol, dans lequel se trouve un escabeau illustrant le moulin et ou grimpera souvent Simon, l’apprenti meunier ; un fauteuil imposant, l’espace où le Père croule sous les factures et les dettes qui le pousseront à vouloir marier sa fille à un prétendant riche ; et puis une chaise longue, transat, où sera blottie le personnage de Poussière, et duquel il s’agira pour elle de s’extirper. Un cercle volontairement petit, pour accentuer l’enfermement de Poussière et aussi la vie et le temps qui passe dans ce petit monde. L’escabeau deviendra prison. Le transat deviendra écran. Le fauteuil deviendra machine de sport. Une balle de tennis sera une poire. Le grain du moulin sera un mélange de sciure de bois et de perles.
Et puis autour de cette île, il y aura tout l’espace du hors-jeu. Là où tout est préparé. Là où les acteurs changent de costumes. Là où ils jouent ou déclenchent les musiques et sons qui accompagnent les scènes qui se déroulent en même temps dans l’espace de jeu. Ils entrent et sortent. Le spectateur assiste à toute la mécanique du spectacle.
Les scènes du texte sont assez courtes, elles développent l’essentiel de la fable. Pour continuer à raconter l’histoire et à éveiller l’imaginaire, nous construiront d’autres petites vignettes sans texte : une courte cérémonie durant laquelle Poussière sera parée malgré elle d’une robe de mariée faite de factures ; Poussière regardant un dessin animé original inspiré d’un conte des Frères Grimm ; un temps de repos, de suspens durant lequel les acteurs-personnages s’arrêtent pour manger.
La musique sera comme un métronome, pendant le début et tant que Poussière préparent son départ. Et plus celui-ci approche, plus la musique se libère d’un système et devient mélodique. Caroline Stella a écrit deux textes de chansons qui seront mit en musique par le compositeur et qui marqueront un point culminant, juste avant le départ de Poussière.
Enfin, le voyage. Poussière sortira du théâtre, et sur un écran, on la verra marcher dehors, dans les rues, puis au détour d’un virage, elle se retrouvera dans des lieux, des décors inconnus, avant de revenir dans les parages du théâtre, dans le hall, sur le plateau, non loin des restes du moulin familial, avec simplement sur ses genoux : « juste un peu de poussière de là-bas ».
Nelson-Rafaell Madel
16, rue Georgette Agutte 75018 Paris