Premier Amour fut écrit en 1946 dans la foulée de Mercier et Camier, premier récit en français de Samuel Beckett, et la même année que trois autres nouvelles, La Fin, L'Expulsé et Le Calmant. L'auteur pourtant ne publia le texte qu'en 1979, à la demande de son éditeur Jérôme Lindon. Il précède notamment l'écriture de Molloy et les premières pièces de théâtre.
Nouvelle écrite à la première personne, l'oeuvre tient à la fois du soliloque et de l'adresse à un destinataire improbable. Le narrateur y évoque, entre autres souvenirs, son goût des cimetières, la mort de son père, l'expulsion du domicile familial et l'errance qui suivit. Puis, " pour passer à un sujet moins gai " , son " union " avec une femme, prostituée de son état, qui l'entretint et l'hébergea. " Mais l'amour, conclut-il au terme du récit, cela ne se commande pas " .
Un humour acerbe et rancunier, une poésie déchirante et un rapport jubilatoire avec les mots caractérisent entre autres Premier Amour. Comme si Beckett, choisissant le français pour écrire, trouvait la bonne distance avec la langue et avec sa propre biographie. Des souvenirs personnels nourrissent certainement le texte, mais modifiés, malmenés et, partant, universalisés car comme l'écrit le narrateur :
" j'ai toujours parlé, le parlerai toujours de choses qui n'ont Jamais existé ou qui ont existé, si vous voulez, et qui existeront probablement toujours, mais pas clé l'existence que je leur prête).
Jean-Michel Meyer
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