Qu'est-ce qui nous arrive ?

du 14 au 17 novembre 2013

Qu'est-ce qui nous arrive ?

Mathilde Monnier, chorégraphe, et François Olislaeger, dessinateur, se lancent avec gourmandise dans un carnet de croquis grandeur nature. Le dessin entre dans la danse !
Mathilde Monnier et François Olislaeger, virtuoses de l’écriture du mouvement - l’une par le corps, l’autre par le trait - réunissent 20 interprètes n’ayant aucune expérience de la scène et se lancent avec gourmandise dans un carnet de croquis grandeur nature. Le dessin entre dans la danse !
  • Le dessin entre dans la danse

En boîte, en boom, au bal ou à la fête de l’école, qui n’a pas dansé ? Pour cueillir au vol cette mémoire éphémère de la danse, Mathilde Monnier réunit des castings d’hommes et de femmes n’ayant aucune expérience de la scène et fait – après quelques gammes d’envergure – scène commune avec le dessinateur François Olislaeger.

Virtuoses de l’écriture du mouvement – l’une par le corps, l’autre par le trait –, tous deux se lancent avec gourmandise dans un carnet de croquis grandeur nature. Il fallait leur audace et leur complicité – Mathilde Monnier anticipe ses chorégraphies par le dessin, François Olislaeger croque la scène sur le vif – pour enrichir New Settings 2013 de cette farandole de bulles enchantées, chorégraphie à main levée et rapprochement inédit, au-delà de celui de deux créateurs, de disciplines apparemment irréductibles. Le dessinateur prend en charge par le dessin les variations sur le plateau, vibre avec les interprètes, projette silhouettes, postures ou paysages sur le fond de scène, usant en live des ressources du geste pictural, de la BD à la gravure.

Choisis pour leur présence, la vingtaine d’interprètes, qui ne seront les mêmes ni à Montpellier, ni à Paris, ni en Autriche, offrent leur authenticité à ce spectacle où tout est mouvement, élan, paradoxe jubilatoire, et qui, empruntant son titre à un manifeste sur le théâtre de Julian Beck, recèle aussi une réflexion magistrale sur la théâtralité de la représentation.

En faisant entrer le dessin dans la danse, Mathilde Monnier élargit encore les territoires qu’elle ne cesse avec panache d’ouvrir à son art. Certes, elle n’a pas appris à danser à François Olislaeger, qui pourtant l’en avait suppliée. Mais, pour le talentueux amoureux de la scène qu’il est, entrer dans la danse, après tout, n’est-ce pas beaucoup mieux ?

  • Entretien avec François Olislaeger

Pourquoi avez-vous eu envie de faire une B.D. autour de Mathilde Monnier ? Est-ce la femme ou la chorégraphe qui vous a d’abord intéressé ?
Ce qui m’a intéressé d’abord, c’est le travail de chorégraphie. Puis la chorégraphe. Et au fil des conversations, en se connaissant mieux, on s’estvite aperçu que travail et vie étaient tellement liés que je me suis intéressé à la femme.

Qu’est-ce que pour vous, la danse, et qu’est-ce que vous vouliez faire passer d’abord par votre dessin ?
Pour moi la danse c’est le temps du corps dans l’espace. Et ce qui m’intéressait était la représentation de l’espace comme acteur, comme personnage à part entière, qui lie les histoires, apporte sa sensibilité, parle du rapport entre les personnes représentées. Dans le livre, vous pouvez voir qu’à chaque nouvelle conversation dans le studio, la vue du studio change. On se rapproche des personnages, et on descend vers le sol. C’est passer par la représentation de l’espace pour dire un rapport entre deux personnes et donner au lecteur la sensation de connaître mieux le sujet, de s’en approcher, l’air de rien.

Comment avez-vous abordé la question du mouvement, car dessiner le mouvement ne semble pas la chose la plus aisée. Avez-vous joué sur les lignes, les couleurs, le déroulé des actions ?
Il s’agissait en effet de comprendre comment le mouvement pouvait apparaître au lecteur, mais surtout comment le séquençage du temps pouvait trouver sa propre résolution en bande dessinée. Après avoir essayé plusieurs méthodes de mise en forme (chaque spectacle a une conception différente dans sa représentation), je me suis rendu compte qu’en considérant la page ou la double page comme une cage de scène, on pouvait rejouer ce que l’oeil du spectateur vit au théâtre. En dessinant plusieurs scènes dans la même scène, en suivant un danseur sur une trajectoire, en focalisant sur un visage, ce qui provoquait le mouvement était en réalité le regard du lecteur. Son oeil crée le mouvement.

Vous avez traduit l’univers de Mathilde Monnier en dessins et maintenant s’agit-il pour vous de repasser du dessin à la scène ? Comment allez-vous travailler ce passage du dessin à la scène ?
Pour la scène, l’enjeu est tout à fait différent. La présence du dessin équivaut à celle d’un danseur, d’une personne sur le plateau. Il ne faut pas que le dispositif (un écran gigantesque en fond de scène) soit écrasant. Le dessin arrive par petites touches, de sorte qu’on a le choix entre suivre le dessin en train de se faire, à son rythme, ou de suivre les amateurs évoluant sur le plateau, à leur rythme. Ce qui m’intéresse c’est cette conversation entre le temps de réalisation du dessin (le mouvement du trait) et le temps de réalisation du mouvement des amateurs sur le plateau.

Dans vos pages, la couleur a parfois beaucoup d’importance. Allez-vous l’utiliser aussi sur la scène ?
Pour ce spectacle, nous avons choisi de rester le plus proche possible de l’esthétique du carnet de croquis. Ne pas chercher les effets, ne pas chercher à être esthétisant mais plutôt fonctionnel. On pourrait presque oublier le dessin pour suivre une voix, qui utilise le dessin pour s’exprimer. Comme un danseur utilise le langage du corps.

Entretien réalisé par Stéphane Bouquet, juin 2013

  • Entretien avec Mathilde Monnier

Quel effet cela fait-il de se transformer en personnage de B.D ? Une chose qui m’a frappé, en lisant Mathilde, c’est que vous y êtes plus intime que souvent. Est-ce un choix ?
La B.D. permet un déplacement de mon image car dans les dessins de François je deviens un personnage. Ce n’est pas tout à fait moi qui parle et, du coup, il est plus facile d’expliquer les liens entre la vie et le travail. Cela n’a pas été un choix si clair, j’ai réécrit une bonne partie des entretiens que nous avions faits avec François, et une sorte de fiction a commencé à se tracer par elle-même. Une idée un peu imprévue a surgi, l’idée que la vie entre toujours dans l’art et vient y faire des irruptions inséparables, que tout se mélange. En travaillant à cette B.D., je me suis aperçue que finalement pas mal de blessures venaient construire mes pièces. Je ne crois pas que j’en étais à ce point consciente.

Vous avez travaillé avec plasticiens, écrivains, musiciens. C’est la première fois que vous travaillez avec un dessinateur. Comment allez-vous faire pour Qu’est-ce qui nous arrive ? Allez-vous vous inspirer des dessins pour écrire la danse ?
Je voudrais sortir de la traditionnelle rencontre dessin, danse et improvisation. Je voudrais faire une vraie pièce qui aborde un sujet assez précis. La pièce parle du statut des amateurs et de leur légitimité à parler de l’art. Dans cette pièce, je pose une question du genre : à qui appartient-il de parler de l’art ? En fait, je suis partie d’un texte dont m’avait parlé Stanislas Nordey il y a assez longtemps (texte qu’il a aussi utilisé dans un spectacle avec les comédiens de l’école du Théâtre national de Bretagne) et qui est un texte de Julian Beck paru dans son livre La Vie du théâtre. Ecrit en 1963, c’est un texte de questions adressées au public. Le texte commence comme cela : « Pourquoi vas-tu au théâtre ? Est-il important d’aller au théâtre ? » Pour moi, c’est un texte manifeste sur la posture du spectateur face à l’artiste mais aussi sur la responsabilité qui est celle de l’artiste de ne pas s’approprier à lui seul les questions de la scène et de l’art. C’est un texte qui dit l’importance du théâtre, du spectacle dans la vie des gens. Je pense que ce sont des questions d’aujourd’hui, surtout maintenant que les gens ont tendance à aller moins au spectacle.

D’où l’idée de travailler avec des amateurs qui se réapproprieraient la danse ?
Tout à fait. Thibaut Kaiser, qui m’assiste sur ce spectacle, a écrit un texte, qui je crois, résume assez bien les enjeux de Qu’est-ce qui nous arrive ? : « Quelle légitimité avons-nous, nous amateurs, spectateurs, anonymes, personnes, individus, seuls ou en groupe, à dire quelque chose de l’art aujourd’hui ? Notre parole est-elle aussi légitime que si nous étions des artistes professionnels, nos gestes sont-ils moins dansés que si nous étions professionnels ? Nous sommes aussi l’histoire de l’art. Nous sommes la manifestation physique que l’art existe. Nous manifestons que nous sommes l’art. Nous manifestons que l’art existe en nous et en dehors de nous. Et parce que nous sommes ensemble, nous avons quelque chose à vous dire de notre mémoire commune d’un art qui nous appartient autant qu’il appartient aux artistes. »

Le « problème » du dessin c’est qu’il ne capte pas la danse en mouvement, pensez-vous écrire une danse spéciale, arrêtée, figée ?
Je ne suis pas d’accord. Le dessin capte le mouvement justement, il peut le décomposer, il montre ce que ne montre pas la photo : le travail du mouvement. Il montre aussi le rythme, l’élan, et surtout il montre l’espace autour du mouvement. Le dessin ne fige pas un corps, il le montre avec de l’air autour, dans une scénographie, dans un lieu. Je pense toujours d’abord le corps dans un espace et jamais le corps seul ; en ce sens, le dessin me donne toute satisfaction. Et puis, il y a la part de la légèreté jamais tout à fait sérieuse et la part de l’humour lié à l’univers de la B.D., un décalage incessant, une vision du monde de côté.

Comment allez-vous travailler avec les amateurs ?
Les amateurs racontent dans le spectacle leur première rencontre avec la danse ou la scène (ce sont souvent des souvenirs d’enfance) – expérience que finalement tout spectateur a vécu aussi –, en ce sens, il y a un rapprochement entre ce que les amateurs racontent et ce que le public a vécu, une identification. C’est une pièce assez proche dans son thème de ma pièce Publique, une danse de l’intime sauf que, cette fois, ce sont des amateurs qui cherchent dans leur mémoire quelque chose de perdu, un souvenir qu’ils ont enfoui de leur expérience de danseur. C’est aussi une pièce en miroir à Objets retrouvés, pièce que j’ai créée récemment pour le ballet de Lorraine sur le répertoire commun des danseurs de cette compagnie. Pour la scénographie et les objets, j’ai fait appel à Annie Tolleter qui a construit des maquettes de théâtre magnifiques et, encore une fois, c’est , pour ce spectacle, un travail de groupe avec mon équipe : I-Fang Lin, Thibaut Kaiser, Thierry Cabrera, Marc Coudrais, Olivier Renouf, Jean-Christophe Minart. C’est vraiment un spectacle collectif et du collectif.

Entretien réalisé par Stéphane Bouquet, juin 2013

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17, boulevard Jourdan 75014 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 17 novembre 2013

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