Robyn Orlin aime les titres-phrases en forme de constats ironiques, suffisamment imagés pour planer en permanence au-dessus de la scène et ouvrir à l’interprétation. Dans At the same time …, ce doigt « pointé sur vous » qui dessine une main-pistolet est celui qui interpelle, enjoint, menace, tandis que trois autres doigts sont repliés au creux de la paume. C’est à cette partie plus secrète du geste que s’intéresse la chorégraphe sud-africaine, comme à ce que le corps masculin africain retient derrière son apparente flamboyance. Contrairement aux idées reçues, estime-t-elle, les Africains – y compris les danseurs –, ont des difficultés à appréhender leur propre corps. Elle décèle dans ce handicap une probable stigmatisation venue d’Occident – peut-être cet index « pointé » vers eux –, autant que le poids de puissances traditionnelles.
C’est depuis le Sénégal, avec huit danseurs de l’École des Sables de Germaine Acogny, où elle a trouvé une « douceur » inconnue en Afrique du Sud, qu’elle a travaillé sur cette dimension de repli pour en chercher les racines et les possibilités de redéploiement. Dans les rituels et les jeux de la cérémonie du lion, la splendeur des maquillages, autant que le travestissement de l’homme en lionne, lui ont permis une nouvelle approche de l’acculturation des corps. De quoi éveiller et la salle et la scène à une retraversée des rituels déritualisée, qui gommerait toute possibilité d’exotisme, pour toucher au contemporain politique.
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