Présentation
Obliques sans lendemain
Intentions de jeu
Les enfants d’Haworth avant les Brontë. L’imaginaire commun aux enfants du pasteur avant les Hauts de Hurlevents. Entre 1829 et 1839, les enfants Brontë écrivent une œuvre commune, s’inventent des royaumes où vivent et meurent des personnages qu’ils jouent et tuent. Un vrai travail de romancier. Une vraie fabrique de littérature - on dirait aujourd’hui un atelier - qu’envieraient l’Oulipo et beaucoup d’autres. S’ajoute le Journal de Charlotte, seule au collège, où l’on voit naître aussi l’œuvre personnelle. Dans de minuscules recueils imitant des livres d’adultes, les enfants Brontë : Charlotte, Branwell, Emily et Anne, donnent naissance dans les nuits secrètes du presbytère de Haworth aux personnages qui deviendront les figures inoubliables de Jane Eyre et des Hauts de Hurlevent.
« Il est toujours vrai de s’intéresser aux êtres tels qu’ils étaient avant d’être. Ils sont déjà ce qu’ils seront ; et plus particulièrement aux écrivains avant qu’ils ne deviennent écrivains. Il est toujours intéressant de s’intéresser aux écrits de ceux qui écriront, pour saisir l’instant d’un passage de l’avant à l’après, c’est-à-dire à l’œuvre qui est, elle, définitive au point de marquer son temps, irréversiblement, comme ce passage du il au je, dans l’œuvre de Marcel Proust, cet instant où le je devient celui du narrateur, un je anonyme, sans nom, alors que le il n’était encore qu’un je masqué, un jeu littéraire pour masquer le moi sans que personne ne s’y trompe». Bernard Proust / Agora
En deux soirées, dans deux époques (aujourd’hui et à la fin du dix-neuvième siècle) les spectateurs sont conviés à partager l’expérience intime d’une création littéraire.
Dans la Lumière des Saisons de Charles Juliet et Romans de poche des enfants Brontë ont en commun d’explorer des territoires de la création. L’écriture puis le théâtre sont vécus comme autant de laboratoires d’expression et d’invention.
Dans la Lumière des Saisons suit le cheminement de l’écrivain Charles Juliet. A travers des déambulations dans ses paysages intérieurs et extérieurs, un écrivain évoque ses liens à l’écriture. Un chemin à la rencontre de soi-même, des autres et du monde.
Romans de poche, des Brontë relate l’expérience de création littéraire, mystérieuse et jubilatoire de Charlotte, Branwell, Emily et Anne Brontë. Comment s’inventent dans les nuits du presythère de Haworth, des héros fantastiques qui donneront forme à travers l’écriture et la vie aux personnages des romans d’une précoce maturité, les Hauts de Hurlevent et Jane Eyre.
Ce spectacle a pour origine la découverte de textes inédits des jeunes Brontë traduits pour la première fois en français. Il résulte de cette traduction, une adaptation réalisée par Florence Marguier. Le parcours se développe en trois mouvements : les années d’enfance au presbytère avec les contes de jeunesse (récits fantastiques, héroïques, de prime enfance) ; la vie à Roe Head, période où Charlotte Brontë explore l’univers de la création littéraire et picturale dans un conflit avec Branwell ; la genèse des Hauts de Hurlevent dans les liens entre Emily et Branwell.
«Passer de ces textes de jeunesse à la représentation sans qu’il s’agisse d’une lecture publique, c’est toute la question. On pourrait imaginer une mise en voix : on demanderait alors au public de fermer les yeux et d’entendre une voix, la voix qui portent les voix des Brontë, mais c’est à autre chose que nous sommes conviés : nous sommes conviés au spectacle, au jeu, à la mise en espace des voix que nous distinguons de sorte que des personnages surgissent, sous nos yeux, dans la nuance des voix diverses.
Florence Marguier est attentive, je crois, à cette nécessité de ne mettre en scène que ces voix, de sorte qu’elles ne se substituent pas aux textes dans lesquels elles demeurent. Ainsi par exemple cette très belle scène où tout est joué avec les pièces d’un jeu d’échecs, sorties d’une boite à la lumière secrète. Une enfance commune, une entente commune parce que le lien reste fort entre les enfants, sans que la comédienne un instant cède sa place, sans qu’elle devienne ces personnages qui hantent l’espace sans la hanter elle, sans qu’elle s’identifie un instant à eux… Elle joue, elle reste elle-même. »
Bernard Proust
3, cité Souzy 75011 Paris