Comment parler du départ d’un lieu que l’on a aimé ? Comment raconter l’exode, les poux logés dans les couches de vêtements amoncelées sur les corps, les longues journées de marche, la soif et la faim, les nuits à même le sol sur une bâche ? Et comment raconter la vie d’avant ? Il y a 20 ans, le Rwanda sombrait dans la folie et sous les coups des machettes.
Dorothée Munyaneza se souvient. Elle allait avoir 12 ans. Samedi Détente, l’émission radiophonique phare, diffusait des chansons venues d’ailleurs. Le jeu des enfants du quartier ? Les apprendre par coeur, tant bien que mal, et participer le lundi suivant, dans la cour de récréation, à la compétition de la meilleure performance. Puis tout a basculé… Instants de paix avant la guerre, de vie avant la mort, de rire avant les larmes. Les souvenirs affleurent à l’écoute d’une chanson, à l’évocation du nom de celui ou de celle qui n’est plus. C’était il y a 20 ans. Samedi Détente leur redonne vie par la parole, la danse et le chant.
Par la Compagnie Kadidi.
Rwanda, 20 ans plus tard.
Dorothée Munyaneza invente aujourd’hui la danse des corps rescapés. Une aisance. Une poésie d’être. Un flottement d’enfance. Chaque fois que l’on a pu voir en scène Dorothée Munyaneza, qu’elle danse pour d’autres, ou qu’elle chante, d’une voix à la fois profonde et légère, il semble que l’air se soit amplifié d’une intensité particulière. Mystère de la présence, où se tait ici une blessure profonde, nommée Rwanda. La jeunesse de Dorothée Munyaneza y a rencontré l’horreur du génocide. Vingt ans plus tard, pouvoir aujourd’hui raconter cela, évoquer la fuite « sur les routes parsemées de corps, de sang et de silence », sans s’abandonner pour autant au seul pathos du témoignage. Mais redonner vie aux disparus, aux souvenirs d’avant, comme cette émission de radio, Samedi Détente, qui diffusait des musiques venues d’ailleurs sur lesquelles les gens chantaient et dansaient. Autour de Dorothée, pour ce périple au coeur de la mémoire, le compo - siteur et improvisateur Alain Mahé, grand sculpteur d’espaces sonores, et la danseuse ivoirienne Nadia Beugré : « Notre danse sera la danse des corps animés, rescapés ». Vivante, face à ce qui ne peut s’oublier.
Jean-Marc Adolphe
excellent très émouvant
Pour 1 Notes
excellent très émouvant
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