Une jeune actrice d’aujourd’hui croise la trajectoire de la comédienne Maria Schneider. À cette occasion, non sans humour, la jeune comédienne retrace ses propres blessures. Pourquoi s'identifie-t-elle à celle que le cinéma et les hommes ont dévorée ?
Une jeune actrice d’aujourd’hui croise la trajectoire de la comédienne Maria Schneider. Cette jeune femme invite le public à une fausse répétition ouverte du spectacle qu’elle est en train de créer autour de Maria S. Elle questionne le concept de monstre sacré et celui de muse. Elle s’interroge, en parcourant le trajet de Maria - de quelques années son aînée - que l’on a abandonnée et poussée à sa propre destruction.
À cette même occasion, non sans humour, la jeune comédienne retrace ses propres blessures. Pourquoi s'identifie-t-elle à celle que le cinéma et les hommes ont dévorée ?
En décembre dernier, après notre création Zoé (et maintenant les vivants) à Théâtre Ouvert, nous avons rêvé ensemble autour d’un nouveau spectacle : Seule comme Maria. Cela nous est apparu comme une évidence. Une urgence. Il fallait rendre hommage à cette héroïne qu’est Maria Schneider.
Nous connaissons tous Maria Schneider, mais peut-être pour les mauvaises raisons. La scène du beurre. Voilà ce que l’on entend lorsque son nom est évoqué aujourd’hui, faisant référence à cette fameuse scène de viol dans Le dernier tango à Paris, imaginée par le réalisateur B. Bertolucci et l’acteur Marlon Brando, puis imposée à la jeune actrice sans la prévenir. Lorsque le film sort, il provoque un scandale dans la société française de l’époque et à l’international. Maria est insultée dans la rue. Dorénavant, elle sera à tout jamais associée à ce film ; cette scène deviendra sa malédiction.
« Pendant la scène, même si je savais que ce que Marlon faisait n'était pas pour de vrai, mes larmes étaient vraies. Je me suis sentie humiliée et pour être honnête, j'ai eu un peu l'impression d'être violée, par Marlon et Bertolucci. » (Maria Schneider) Elle ne sera pas entendue. Sa carrière s’éteindra doucement.
Maria c’est cette idole qu’on a d’abord mise très jeune sur un piédestal, puis jetée à terre. Comme un personnage de tragédie, elle a subi plusieurs abandons successifs, d’abord enfant, par sa famille, puis par la grande famille du cinéma et enfin par la société. Maria est bien plus qu’une figure sacrificielle, bien plus qu’un exemple des abus dans le cinéma, c’est aussi une femme libre, qui aimait l’ivresse et Mick Jagger, qui a refusé de se soumettre aux injonctions de son temps, quitte à en payer le prix. C’est l’une des premières femmes actrices qui a osé protester.
Loin de nous l’envie de faire un spectacle revendicateur, ou politique. Seule comme Maria fera dialoguer une jeune actrice contemporaine, Marilou Aussilloux, avec le fantôme de celle qui lui a donné envie de faire du cinéma. Sous forme de répétition ouverte, et dans une discussion assumée avec le public, la comédienne exposera les difficultés qu’elle rencontre dans sa tentative de monter un spectacle autour de Maria Schneider. Avec beaucoup d’humour et d’auto-dérision, elle se trompera, échouera en grand, abandonnera aussi face à tous, se demandant par moment pour quoi faire ce spectacle. Le public présent deviendra comme un confident privilégié, une possibilité de se raconter, de révéler ses blessures aussi, à la lumière de l’histoire de Maria.
Comme un portrait miroir. Ce spectacle traite aussi de la mémoire et questionne ce qu’on laisse derrière nous. Qu’est-ce qui reste lorsque l’on meurt et que notre histoire nous a été volée ? Forts de notre expérience autour de la pièce Zoé (et maintenant les vivants), où Marilou, dirigée par Théo a également pris la place de collaboratrice artistique, nous voulons cette fois-ci aller plus loin, et pour cette nouvelle création, signer le texte et la mise en scène à deux. Se servir de notre binôme, et de notre plaisir à travailler ensemble, pour faire cohabiter pleinement nos deux univers, nos deux imaginaires.
Marilou Aussilloux & Théo Askolovitch
Square de l'Opéra-Louis Jouvet, 7 rue Boudreau 75009 Paris