Trahisons

du 17 septembre au 26 octobre 2014
1h35

Trahisons

La pièce d'Harold Pinter pour la première fois à la Comédie-Française, dans une mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia, avec Léonie Simaga, Denis Podalydès et Laurent Stocker.
La pièce d'Harold Pinter, prix Nobel de littérature en 2005, reprend l’équation du théâtre bourgeois – le mari, la femme, l’amant –, mais la déconstruit grâce à son artifice narratif pour révéler l’essence, la profondeur et les méandres de ce lien. Pour la première fois à la Comédie-Française, dans une mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia, avec Léonie Simaga, Denis Podalydès et Laurent Stocker.
  • Histoire à rebours

Midi au printemps. Un bar. Au fond de la salle, Jerry et Emma se retrouvent deux ans après leur rupture. Elle est la femme de Robert, éditeur, vieil ami et plus que tout partenaire de squash de Jerry. C’est à partir de ce point que Pinter remonte le cours de cette intrigue amoureuse entre trois amis, renversant le cycle du temps : des séparations aux rencontres, des aveux aux mensonges, des secrets aux trahisons. Dans cette histoire à rebours se tissent et se détissent les énigmatiques liens amoureux et amicaux du trio où chacun a construit sa propre vérité, piégeant les spectateurs pourtant avertis de la chute de l’histoire.

Comédien, scénariste et dramaturge anglais, Harold Pinter (1930 – 2008), prix Nobel de littérature en 2005, participe au renouveau théâtral britannique dans les années 1950. Le malaise et la cruauté qui se dégagent de ses premières oeuvres, qualifiées de « théâtre de la menace », évoluent vers l’exploration de l’intimité puis, à partir des années 1980, vers le politique. Outre les relations de couple qui sont au coeur de ses pièces écrites pendant sa période intermédiaire – La Collection (1961), L’Amant (1962), C’était hier (1970) et Trahisons (créé en 1978 et adapté au cinéma en 1982) –, la mémoire est un de ses thèmes récurrents. Trahisons reprend l’équation du théâtre bourgeois – le mari, la femme, l’amant –, mais la déconstruit grâce à son artifice narratif pour révéler l’essence, la profondeur et les méandres de ce lien.

Dans Trahisons, Frédéric Bélier-Garcia admire « la précision de miniaturiste de Pinter. Sur le thème ordinaire de l’adultère s’écorche progressivement ce qu’on pourrait appeler le paradoxe de la trahison, qui est à la fois ce qui condamne une histoire et l’effort héroïque et masqué pour la sauver, une fidélité dévoyée à la promesse première de l’amour ».

Texte français : Eric Kahane.

  • La presse

« Dans le beau décor stylisé de Jacques Gabel, transformant chaque scène en une cruelle photo d'album, Bélier-Garcia orchestre un vaudeville en négatif, où le rire, étranglé, jaillit à contretemps. (...) Guerriers de l'amour vaincus, les trois comédiens-français - Podalydès en Méphisto blessé, Simaga en reine déchue, Stocker en Roméo fatigué - révèlent toutes les intentions du texte, avec leur phrasé distancé et leurs regards intenses. Ils nous entraînent dans une valse lente et hypnotique, qui à l'envers comme à l'endroit, ne peut déboucher que sur le néant. » Philippe Chevilley, Les Echos, 22 septembre 2014

  • Note d'intention

Une trahison au pluriel
Le sujet de Trahisons est un thème très ordinaire : une femme, deux hommes. Le coup de génie de Pinter tient d’abord dans sa stratégie narrative : raconter cette histoire adultère à rebours. Car ce qui au début, semble ne modifier que l’ordre des scènes transforme en fait autant l’angle d’attaque de notre regard sur ce sujet que l’objet lui-même. Qu’est-ce qu’un couple ? De quelle chair est fait le lien amoureux ? Pinter reprend l’équation du théâtre bourgeois (le mari, la femme, l’amant), mais grâce à son protocole, il révèle – comme on dirait d’un chimiste – l’essence et la profondeur opaques de ce lien. Les personnages courent vers la source d’une histoire amoureuse comme on plonge vers le fond d’un lac sablonneux où les contours et l’évidence du sentiment se perdent, se floutent. L’inversion de la narration fait transparaître la finitude, la faiblesse, la fragilité originelle de
l’alliance amoureuse ou amicale.

Cette forme qu’adopte Pinter, la contrainte forte qu’il s’impose, rendent cette pièce très différente du reste de son théâtre. Elle est bien sûr traversée par le souffle – on pourrait même dire l’haleine particulière – de son écriture, mais elle reste à l'écart de ses œuvres de jeunesse, de son théâtre dit «
de la menace », comme de son œuvre tardive. C'est cette singularité qui m'attire particulièrement. Partant d'une capture réaliste (scènes de la vie amoureuse), confinant à l’exercice de style, Betrayal est un objet hors genre à appréhender, selon moi, hors de tout contexte, comme une petite
équation sur l’amour, une curiosité du théâtre contemporain.

Il s’agit ici d’une trahison au pluriel , on pourrait dire virulente, qui concerne autant la relation amoureuse que la relation amicale, et finit par révéler la vérité de toute relation, discours amoureux, sentiment. La trahison est un acte étrange. Le premier paradoxe est qu’il n’y a de trahisons qu’entre des êtres fidèles, entre des amis ou des disciples (des ennemis ou des êtres infidèles – Merteuil et Valmont – ne se trahissent pas). Le second paradoxe est que la trahison est, par l’effort qu’elle requiert, une ultime preuve d’amour, la dernière tentative dévoyée pour rester fidèle à une promesse. Ça veut encore conserver quelque chose d’une histoire qui voudrait finir. Ce sont ces trahisons au cœur même du lien amoureux (qui le protègent et le tuent à la fois) que Pinter dissèque. En cela, Trahisons est une pièce sur la fidélité... L’habileté du traitement tient dans l’absence d’identification claire entre victime et coupable. Qui des trois est la victime ? Le mari ? L’amant ? La femme exclue de l'amitié passionnelle des deux hommes ? Qui est le traître ? Qui a l’intelligence affective la plus grande ? Où est le cynisme, où la naïveté ?... Les rôles du traître et du trompé ne cessent de circuler dans ce trio, comme ils circulent aussi dans toute relation. Il n’y a pas un Iago et un Othello ici, mais trois victimes qui font chacune à leur manière perdurer et proliférer la trahison. Il n'y a ni manœuvre ni manigance, uniquement des envies, des craintes, de fugaces lâchetés pour s’épargner soi-même, ou ne pas faire souffrir l’autre, qui aboutissent au désastre.

Le discours, très politique, que Pinter a fait lorsqu’il a reçu le prix Nobel, ouvre des perspectives intéressantes sur sa façon d'aborder l'intime, tant il use des catégories du mensonge, du secret et de l’aveu. Il y conteste toute distinction tranchée entre réel et irréel, entre ce qui est vrai et ce qui est faux
 : une chose peut être à la fois vraie et fausse.

Trahisons développe une sorte de géostratégie appliquée aux relations humaines et amoureuses. Cette vision « clinique » ou politique de l’intime et de l’amour, ni proprement optimiste ni pessimiste, montre ce qui lie et délie les êtres. Tout l’art de Pinter est de capter la dimension troublante, le tremblé qui est au cœur de la relation amoureuse ou amicale.

Un théâtre de l’ellipse
La beauté de la pièce tient à son écriture elliptique. Pinter manie le langage avec minutie et possède un art de la chute extraordinaire. Les personnages ne se disent souvent pas grand-chose et jamais ce qu’ils voudraient dire. Ils parlent à côté du sujet de leur préoccupation. Ils diffèrent constamment ce qu’ils ont à se dire, et finissent par dire autre chose. Chaque scène me fait penser à ces épreuves de Vallotton où il part d’une scène quotidienne, vériste, qui progressivement s’épure en un trait qui saisit l’essence d’un sentiment (le mensonge, l’envie, la luxure...). Ici aussi, chacune des neuf scènes est une petite intrigue, qui peut basculer indistinctement soit vers un crime épouvantable soit vers un éclat de rire.

Pinter part de conversations quotidiennes qu’il creuse. Il suffit parfois d’un geste, d’une caresse ou d’un baiser inattendu pour toucher à l’essentiel. Ce sont les mouvements de l’âme qui se devinent au travers de ce langage tout en rétention. Au gré d’une question interrompue surgit soudain de façon percutante la vérité de la souffrance des personnages. Un sentiment claque en quelques mots. Une réponse succincte suffit à exprimer subitement une de ces morts qui traversent nos existences, la mort d'une relation ,l’assèchement de l'ivresse amoureuse. C'est un théâtre de conversation brillant et très drôle. Même dans leurs souffrances, les personnages restent très spirituels. La difficulté de cette écriture – sa grande qualité aussi – réside dans cette ambivalence qui fait des personnages des équilibristes de la pensée, à la fois très élégants et en totale perdition.

Pinter ne fait pas tomber des masques (comme Bergman ou Lars Norén), il articule la pièce sur des réévaluations successives des personnages, de leurs motifs, de leurs sentiments réciproques, comme si on forait, couche après couche, le sol géologique d’un amour ordinaire. Dans cette descente, les silences sont de vraies didascalies qui donnent la grammaire de la pensée de la pièce. Ils créent un écho, et par là un sens, à des phrases apparemment anodines qui viennent d’être égrainées.

Il s’agit encore de capturer une vérité de la vie, qui ne se donne qu’en parcelles, fragments, de saisir le fuyant, l’indicible : ce qui décide, arbitre le mouvement de la vie plus que les grandes décisions volontaires et conscientes.

Une histoire de malentendus
Au bout du compte, la question de l’adultère est anecdotique. C’est un prétexte au décryptage d’un instant affectif, amoureux et amical. La pièce joue avec le détail un pe u à la façon du genre policier. On retrouve de scène en scène des indices, des objets, des évocations de lieux autour desquels la relation amoureuse se cristallise. Dans cette remontée à contre-courant, le plaisir du spectateur est de devoir comprendre où chaque scène se situe par rapport à la précédente, où en sont les personnages. Cette ligne non chronologique annule tout effet de surprise habituel  ; le suspense porte non pas sur le dénouement que l’on connaît dès le départ, mais sur ce qui a en eux fabriqué cette longue chute.

Une des grandes difficultés pour les acteurs est de trouver cet élan qui ne va pas vers la promesse d'un avenir mais vers le passé. Plus la pièce avance, plus elle se réchauffe. Après les deux premières scènes, qui autopsient la fin d’un amour, on remonte vers le vivant. L’ordre des séquences y est chaotique – et non pas simplement rétrospectif. La seule trajectoire linéaire, c'est l’ivresse  ! Le trio remonte vers la source de son histoire en buvant de plus en plus. La trajectoire de la pièce est bizarre. Il y a quelque chose de très factuel dans cet enchaînement de scènes nodales de la vie adultère. Et à la fois, une intelligence étant à l’œuvre dans cet ordre chaotique, on pourrait dire qu’une mémoire est en action – ce n’est pas la mémoire particulière d’un des protagonistes, ce serait plutôt comme si c’était l’histoire elle-même qui se souvenait de ces instants où elle s’est arbitrée malgré ses acteurs.

Ce qui m’intéresse dans ce processus est la façon dont chaque scène est en soi l’histoire d’une méprise. Les personnages y entrent pour annoncer, faire quelque chose et, au gré de la discussion, sont détournés de cet objectif. Pinter fait la radiographie d’un malentendu. Sa trame ouvre un jeu sur les possibles et, avec lui, engage une autre forme de fatalité. Quand on va de l’avant à l’après, de la cause à l’effet, de la trahison au mensonge, l’histoire amoureuse semble celle d’une nécessité à l’œuvre, d’un destin, d’un fatum. Les êtres s’y rencontrent, se déçoivent, se trompent éventuellement, puis se séparent. En remontant avec Pinter de la chute vers la source, de l’aveu vers la faute, l’histoire amoureuse devient le récit, l’autopsie d’un malentendu.

Chacun de ces individus fait de sa vie un couloir d’excuses, tous manœuvrent avec leur propre impuissance – non pas dans le sens moral du terme mais par rapport à leur propension à s'accommoder d’une situation intenable. C’est une vision assez tragique de l’amour, si par tragique on entend d’abord l’absence totale de justification des choses et du sens de la vie. Mais on le sait, la vision lucide du caractère tragique de la vie n’interdit pas et permet même une profonde et intense jubilation.

Frédéric Bélier-Garcia, juillet 2014
Propos recueillis par Chantal Hurault, communication, Théâtre du Vieux-Colombier

Sélection d’avis du public

Trahisons Le 28 octobre 2014 à 16h23

Un bon moment, mais je regrette de ne pas avoir cru un instant à l'histoire d'amour de la femme et de l'amant qui ne m'a pas procuré d'émotion. Est-ce une question d'interprétation, de mise en scène ou bien est-ce voulu dans le texte ? Je ne sais pas, mais ça m'a laissé comme un manque et une frustration à la fin : mais pourquoi ces deux-là s'étaient-ils mis ensemble ???...

Trahison Le 26 octobre 2014 à 11h49

spectacle parfait.Diction impeccable et compréhention parfaite malgré des places rang N ce qui est loin

Trahisons Par Maurice F. - 25 octobre 2014 à 10h05

Excellent de bons acteurs et une formidable mise en scène avec des décors originaux.

Trahisons Par Maurice F. - 25 octobre 2014 à 10h05

Excellent de bons acteurs et une formidable mise en scène avec des décors originaux.

Synthèse des avis du public

3,7 / 5

Pour 11 Notes

36%
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Trahisons Le 28 octobre 2014 à 16h23

Un bon moment, mais je regrette de ne pas avoir cru un instant à l'histoire d'amour de la femme et de l'amant qui ne m'a pas procuré d'émotion. Est-ce une question d'interprétation, de mise en scène ou bien est-ce voulu dans le texte ? Je ne sais pas, mais ça m'a laissé comme un manque et une frustration à la fin : mais pourquoi ces deux-là s'étaient-ils mis ensemble ???...

Trahison Le 26 octobre 2014 à 11h49

spectacle parfait.Diction impeccable et compréhention parfaite malgré des places rang N ce qui est loin

Trahisons Par Maurice F. (2 avis) - 25 octobre 2014 à 10h05

Excellent de bons acteurs et une formidable mise en scène avec des décors originaux.

Trahisons Par Maurice F. (2 avis) - 25 octobre 2014 à 10h05

Excellent de bons acteurs et une formidable mise en scène avec des décors originaux.

super Par Florence D. (4 avis) - 22 octobre 2014 à 16h09

très beau spectacle, jeux de décors intéressants, très bons acteurs et belle mise en scène. Bien meilleur que "dispersion", joué en ce moment dans un autre théatre avec Carole Bouquet.

Trahisons Le 13 octobre 2014 à 21h28

Très bonne prestation des acteurs , crédibles chacun dans leur rôle. Mise en scène,décor et lumière magnifiques . Les silences peuvent paraître longs mais c comme ça chez HArold Pinter il faut laisser passer les pensées

trahisons Le 10 octobre 2014 à 17h56

Très mauvaise mise en scène et très mauvaises interprétation de ce qui fut un merveilleux spectacle il y a plusieurs années, et auquel je me suis horriblement ennuyée à ma grande tristesse. La trahison est totale.

une génération exceptionnelle Par GILLES L. (38 avis) - 10 octobre 2014 à 15h17

Que dire ? Encore une fois, la preuve que la génération actuelle de la comédie française est exceptionnelle ! Trois acteurs au sommet. Mention spéciale à Laurent Stocker, génial comme d'habitude. Pinter lui va comme un gant. A quand Alan Ayckbourn dans le répertoire moderne ? Monsieur Ruf, si vous m'entendez. Avec ces acteurs-là, ce serait le rêve !

Zen Le 5 octobre 2014 à 10h32

Beauté formelle des décors et absence totale d'émotions. A croire que la mise en scène ne s'intéresse qu'au laisser-faire de personnages résignés. Excessive distanciation qui efface toute Trahison.

un amour de paris Le 4 octobre 2014 à 19h06

spectacle sympathique et rafraîchissant, les artistes sont tous dynamiques et la chanteuse est très jolie, allez-y, c'est une excellente récréation.

Trahisons Le 1er octobre 2014 à 10h59

Très beau spectacle,formidables acteurs,magnifique Pinter!

Quelques longueurs Par Cecile P. (1 avis) - 29 septembre 2014 à 09h50

Un peu long par moment. Une mise en scene très belle. De très bons acteurs.

Trahi par les siens Par Annick M. (7 avis) - 25 septembre 2014 à 11h21

En parfait accord avec le commentaire de Jean-François R. du 21 septembre 2014

trahi par les siens Par JFR (75 avis) - 21 septembre 2014 à 14h16

terne sans fond si Pinter était un génie il l'était sans bouillir en effet du boulevard aseptisé éternelle histoire de l'ami cocu sous des airs d'avoir l'air ils aimeraient avoir l'air et n'ont pas l'air du tout sans odeur sans saveur pour bourgeois moderne

trahison de pinter Par Colette B. (2 avis) - 20 septembre 2014 à 07h14

je me permets de vous confier que j'ai eu la chance de voir "Trahison" avec carolyne cellier et Dussolier c'est chef d'oeuvre , j'ai même le script et le roman j'encourage fortement à aller voir cette pièce qui avec Podalydès ne peut - être qu'excellente. Pinter etait un génie

Informations pratiques

Vieux Colombier - Comédie-Française

21 rue du Vieux-Colombier 75006 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Librairie/boutique Restaurant Salle climatisée Vestiaire
  • Métro : Saint-Sulpice à 61 m, Sèvres - Babylone à 258 m
  • Bus : Michel Debré à 23 m, Sèvres - Babylone à 189 m, Saint-Germain-des-Prés à 231 m, Musée du Luxembourg à 349 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Vieux Colombier - Comédie-Française
21 rue du Vieux-Colombier 75006 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 26 octobre 2014

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