« Le fantôme de Montpellier rencontre le Samouraï ». Ce pourrait être le nom d’une légende japonaise, le titre d’un film de kung-fu, ou celui d’une pièce de Trajal Harrell…
Chez le chorégraphe de la série Twenty Looks or Paris is Burning at The Judson Church – relecture croisée de la danse postmoderne et du voguing qui se décline en différentes tailles de (S) à (XL) – l’histoire de la danse, les constructions mythiques, la culture pop, l’énergie et le trouble des genres propres au voguing se télescopent comme autant d’ingrédients explosifs projetés sur la scène.
Le fantôme de cette création, c’est celui de Dominique Bagouet, chorégraphe disparu en 1992, dont les pièces comme So Schnell ont remodelé le paysage de la danse française. Le samouraï, c’est Tatsumi Hijikata, l’un des fondateurs du Butoh, cette « danse des ténèbres » aux contrastes violents née du choc entre la tradition théâtrale japonaise et la danse expressionniste allemande. Entre les deux, à leurs côtés, Ellen Stewart – fondatrice du théâtre d’avant-garde LaMama à New York.
À rebours de l’hagiographie, Trajal Harrell se saisit de ces vies comme de figures quasi-légendaires afin d’interroger les enjeux de la création : « pourquoi existe-t-il de l’art ? Qu’est-ce qui pousse certains individus à investir toute leur énergie dans leurs œuvres ? » Se faisant, il délivre une relecture paradoxale des relations entre cultures chorégraphiques, faites de rebonds, de malentendus, de va-et-vient d’un continent, d’une scène à une autre. Au fil de chansons, de bribes de dialogues, de danses survoltées, il distille ces « biographèmes » chorégraphiques – se servant du prisme du voguing comme moteur pour propulser les désirs, les zones d’ombre, la passion de ces artistes qui ont tout donné pour l’art.
Place Georges Pompidou 75004 Paris