Un cheval mange un chapeau et la noce s’emballe pour deux heures. A la poursuite du chapeau volage et volant comme une chimère, les invités naviguent sans boussole et le beau-père menace à la cantonade : « Tout est rompu » ! Un chapeau de paille d’Italie tient dans ce raccourci ébouriffant : une cause minuscule, des effets démesurés. Tout le génie de Labiche est condensé dans le mouvement d’une course poursuite effrénée, d’une odyssée de nains, d’une tempête dans un verre d’eau sucrée ! Avec pas moins de quinze comédiens sur la scène, Gilles Bouillon fait de cette noce une fête qui conjugue le plaisir du théâtre et la joie de la musique.
« À toute vitesse. Il faut aller vite. Une frénésie bondissante emporte les personnages, les mots et les choses. Une énergie à très haute fréquence, un tempo qui ne faiblit pas. On rit encore, on est déjà ailleurs. Jamais on n’avait su donner cette rapidité à l’intrigue, ce rythme à l’écriture théâtrale, cette vitesse au rire. Un train de cauchemar qui exige des acteurs une virtuosité pour jouer sur deux registres simultanés : la précision d’une mécanique de machine infernale qui menace d’exploser à tout instant et la vivacité, la liberté du jeu qui laisse entrevoir les dérapages oniriques d’un cauchemar gai. Plus proche de l’humour fou des Marx Brothers encore que de Kafka !
J’ai toujours été sensible à la façon dont le théâtre s’empare des éclats et des excès de la farce. Entre le fou rire et le chaos. Le burlesque chez Labiche conjugue la virtuosité verbale et l’énergie du geste, le mouvement et l’engagement « athlétique » des acteurs dans le jeu, le rire irrésistible et l’audace, la violence même, et l’extravagance qui conduit, sinon toujours au bord de la folie, du moins à la révélation soudaine de l’inquiétante étrangeté des êtres et des choses.
Un chapeau de paille d’Italie fait feu du rêve comme du rire, avec ses coq-à-l’âne, son usage immodéré du non-sens, ses quiproquos, ses substitutions en chaîne, son fétichisme des objets, son retour du refoulé et sa fantasmagorie d’univers virtuels. Des trouvailles qui anticipent, dirait-on, les trouvailles surréalistes et celles du théâtre de l’absurde. On pense à Ionesco, à Vitrac, et ce n’est pas par hasard que le surréaliste Philippe Soupault s’intéressait tant à Labiche ! Ce n’est pas un hasard non plus si René Clair et Nino Rota ont tiré du génial vaudeville de Labiche, l’un, un film burlesque (muet), l’autre un opéra (chanté). Mouvement pur et élan musical ! » Gilles Bouillon
Place Jacques Brel 78505 Sartrouville