Hymne à la terre africaine
Petite histoire de la danse pantsula
Vent d’Afrique. C’est du sud du continent, le pays de l’ex-apartheid et des danses de mineurs, que nous vient Via Katlehong Dance, dont le nom évoque un township qui se rendit fameux en se soulevant, il y a une trentaine d’années. De cette rage de vivre et de danser, la compagnie d’Afrique du Sud a fait son credo depuis sa création en 1996. Bien sûr, c’est le pantsula, danse urbaine autant que mode de vie, qui est le moteur des interprètes, bien que la troupe n’hésite pas à aller chercher de temps en temps des créateurs d’autres horizons (Christian Rizzo ou Robyn Orlin, dernièrement).
Woza est leur nouvel eldorado, une « pièce qui rend hommage à la nature, aux bruits venus des arbres, du vent et des animaux, qui ont inspiré les musiques d’Afrique. Au bois, dans lequel on sculpte les instruments. Aux corps qui s’emparent des rythmes pour en faire une danse ». Tout un programme.
Sur scène, Via Katlehong Dance invite le pantsula, autrefois expression des populations noires des ghettos, et danse contemporaine africaine, dans un élan commun. La plus belle façon sans doute de s’inventer un avenir qui passe par le mouvement. On découvrira également les apports de cette compagnie qui imagine des percussions corporelles, comme le mogaba, consistant en frappes de pieds et claquements de mains, avec voix et rythmes. L’énergie ainsi dégagée n’est plus celle du désespoir mais bel et bien d’une danse engagée. Via Katlehong Dance fait de Woza un hymne à la terre africaine ; et au delà, à l’humain.
Philippe Noisette
Avec 3 musiciens.
Dans les années soixante, le régime d'apartheid de l'Afrique du Sud organise le déplacement forcé de nombreuses populations noires pour les cantonner dans des ghettos aux abords des zones urbaines. Réservoirs de main-d'oeuvre bon marché, les townships deviennent un lieu de misère, de chômage et de délinquance, mais aussi un espace de rencontre entre habitants des villes et des campagnes et le terreau d'une culture débordante, vive et joyeuse, le pantsula.
Le pantsula, c'est tout à la fois un mouvement de mode, de musique et de danse, mais c'est surtout un véritable style de vie. La jeunesse rebelle des townships retrouve sa fierté dans ces concours où l'élégance la plus extravagante est associée à une danse inventive et débridée tout en étant minutieusement codée. La rue devient alors le théâtre où s’expriment l'angoisse et la joie, la crainte du lendemain et l'esprit de fraternité.
Dans la nouvelle Afrique du Sud, la danse a progressivement quitté les townships, avec sa musique d'accompagnement, le kwaito, pour se retrouver dans l'arène commerciale. Cette mercantilisation de la culture a mené à sa dilution et à une perte d'authenticité par rapport à l'esprit de survie qui lui a donné naissance. Seuls quelques groupes comme Via Katlehong, toujours basé dans un township, ont réussi à traduire sur scène la créativité, l'énergie pure et l'esprit de rébellion du pantsula.
Le gumboots, dont le nom vient des bottes en caoutchouc que portaient les mineurs, a été créé au début des années cinquante pour faire la fête mais aussi en signe de protestation contre leurs conditions de vie. Via Katlehong l'a modernisé en l'associant aux claquettes, à la danse pantsula et à la musique traditionnelle.
1, Place du Trocadéro 75016 Paris