Chukrum évoque la naissance de l’Homme et la véritable étincelle qui le génère, la gestuelle qui le détermine. Des figures introduisent un autre point de vue sur la marionnette Petruska et ces vicissitudes « humaines », c’est un regard sur la nature humaine dans laquelle le côté obscur n’est rien d’autre que l’essence du corps, tel qu’il est, dépouillé de sa parure. La composition musicale de Giacinto Scelsi creuse dans la nuit du corps, révélant un monde ancestral, l’origine des forces.
Sur les notes d’Igor Stravinsky, Petruska construit un pont vers l’impossible. Un pont entre nous et le vide, entre nous et ce qui est caché. Petruska est une marionnette et n’est pas une marionnette, vit dans deux mondes, deux visions et deux expériences. Entre jeu et archéologie, Petruska est notre guide, désamorce notre inexorable déclin. Avec une infinité de gestes et de postures, Petruska fait son chemin, plaisante, oublie son immatérialité. Danser jusqu’à la fin du monde, depuis le tout premier jour : tout une tragédie dans une atmosphère festive.
Des images baignées dans la brume, une blancheur laiteuse et éblouissante, des corps qui apparaissent par fragments, se dessinent et disparaissent, se fondant dans le décor. C'est ainsi que commence Chukrum, courte pièce de Virgilio Sieni sur une musique de Giacinto Scelsi composée en 1963. Elle précède Petruska qui revisite l'œuvre de Stravinsky, inspirée de la marionnette du théâtre populaire russe, figure de « l’éternel et malheureux héros de toutes les foires, de tous les pays » selon les mots du compositeur.
Qu'y a-t-il de commun entre les deux chorégraphies ? Entre une pièce fantomatique baignant dans une atmosphère mystérieuse et envoûtante, et l'adaptation d'un ballet créé en 1911, entre L'Oiseau de feu et Le Sacre du printemps ?
Une même volonté de fouiller l'archéologie des corps, d'une œuvre et de l'être humain. Dans Chukrum, l'homme émerge de la lumière, semblant s'extirper d'un monde ancestral, archaïque. Puis surgit Petruska, comme dans la continuité d'une naissance. Plutôt que de suivre les aventures de ce pantin qui devient humain, du charlatan qui le tourmente, de la ballerine qui ne l'aime pas et du Maure qui le tue, Virgilio Sieni propose la traversée d'états, entre jeux et tragédie, entre humanité et marionnette, obéissant à la loi qui veut que les expériences se succèdent, graves ou légères. Ici, chaque danseur peut être tour à tour Petruska.
En proposant ce diptyque, le chorégraphe se penche sur la dimension fatale et éphémère de l'existence, traversée de moments de grâce, de fête, de fulgurances et d'empreintes laissées dans l'espace comme autant de traces des vicissitudes humaines. Une danse partagée qui permet d'exorciser le tragique de la condition humaine.
36, rue de la République 93160 Noisy-le-Grand
Voiture : A4 depuis Porte de Bercy, sorties Noisy-le-Grand / Villiers-sur-Marne ou Noisy-le-Grand / Marne la Vallée puis direction Mairie.