Portrait d'un génie
Note d'intention
Dans sa dernière année -il a 70 ans- Orson Welles comme toujours a besoin d'argent. Il rêve de terminer son film Don Quichotte dont il a déjà tourné, au fil de deux décennies, quelques séquences. Il a donc accepté de prêter son incomparable voix pour une publicité radiophonique commanditée par des japonais, pour vanter les mérites de boîtes de nourriture pour chat.
A Los Angeles, dans ce studio d'enregistrement de seconde zone, il va rencontrer le « metteur en ondes », un homme jeune qui sait très bien qui est Orson Welles, mais dont la seule préoccupation est d'enregistrer la célèbre voix. Alors, Orson va se raconter, va lui raconter sa vie chaotique, ses démêlés avec les studios, avec ses femmes, avec la politique, avec la vie.
Et l’on voit se profiler le portrait d'un génie qui a donné au 7ème Art, quelques uns de ses plus beaux chef d'oeuvre, de Citizen Kane à La soif du mal, sans oublier La splendeur des Amberson, sans doute le film qui lui ressemble le plus.
Adaptée par Jacques Collard, interprétée et mise en scène par Jean-Claude Drouot, la pièce est tirée de l'oeuvre maîtresse de Richard France, un auteur qui a su, mieux que personne, cerner la personnalité complexe d'Orson le Magnifique.
Nous voici donc conviés, convoqués plutôt, à la rencontre la plus périlleuse qu’il nous fut donné de vivre. Au Tribunal du Commandeur. Pas moins.
Personne, assurément non, personne ne peut décemment prétendre incarner, redonner vie et vraisemblance à ce Protée, Maître des Sortilèges, Orson Welles.Trop proche de nous encore et si formidablement proche ! Le mystère s’embue à chaque tentative nouvelle. “L’Ogre” déjoue l’enquête de Petit Poucet fureteur. Tintin est bredouille. Chaque piste nouvelle est mirage. Obstinément nous filons la trace de son rire ravageur, volcan qui s’ébroue, amusement du fond des tripes. Terrassés d’admiration, joyeusement éblouis devant les tours et détours du Géant, ravi de nous avoir joués.
Magnétisme, intelligence, élégance, dignité, liberté, créativité..., nous nous régalons au festin du Malin. Intimidés encore mais invités à visiter le Domaine. Ultime Magie, Orson Welles a libéré la chaîne de nos peurs. C’était un “Ogre pour rire”. Nous suivons le Maître. Il revêt d’un habit de lumière, d’une cuirasse de soleil nos pudeurs et notre hésitation. Maintenant nous devinons la secrète entaille, “l’Enigme” nous consent un bout d’oreille.
Ce caduque vieillard sur la lande et sa course folle pour rejoindre ce cavalier défraîchi, hérissé de rêves et de colère… ? Lear, et Quichotte ?
Ne pas conclure. C’est dans l’inachevé qu’est la promesse. Nous n’irons pas essayer d’imiter Orlon Welles. Nous allons tenter de le comprendre.
Jean-Claude Drouot
Avenue de Marigny 75008 Paris