Partir... Partir loin… Pour toujours. Patrick ne pense qu’à ça. Alors il cogite, médite, prépare tout : une valise neuve à roulettes, un couteau de survie, tous les vaccins pour toutes les maladies sur tous les continents.
Autour de lui le monde s’agite, sa maîtresse thaïlandaise, Saranya Rattanasrisakulchaï (épouse Leblond), son voisin marseillais, Pascal, Monsieur Martinez, le directeur du Casino où il est croupier…
Mais Patrick piétine dans son studio, tremble un peu au bout du plongeoir.
Va-t-il sauter dans l’inconnu...
Se risquer enfin ?
Laurent Graff a écrit un parcours initiatique, le trajet pathétique et grandiose à la fois d'un petit humain, mélange du Meursault de Camus dans L'étranger et de Don Quichotte dans l’œuvre éponyme de Cervantès. Son « héros », Patrick Perrin, est courtier dans un casino près de Caen, dont il dit qu’elle « remporte le classement de la ville la plus sinistre ». C’est un personnage d’aujourd’hui et de toujours, un homme qui tente de tracer son destin et nous renvoie à nos utopies comme à nos impuissances dans une belle fable sur la procrastination et la transmission.
Fred Bianconi s’est emparé de ce roman, en a créé une adaptation théâtrale, qu’à mon tour je saisis avec délectation pour en faire un spectacle. Il a créé une dramaturgie avec sa sensibilité d’acteur. Sa personnalité dégage un étonnant mélange qui allie un tempérament lunaire à une nature explosant d’énergie. C’est la recette nécessaire pour incarner Patrick Perrin, homme simple et complexe, dont le regard lucide sur le monde qui l’entoure devient parfois un frein à son mouvement. Fred Bianconi a capté l’humour et la poésie de Laurent Graff, qui donne à son personnage un regard et un comportement, parfois obsessionnel, parfois d’une cohérence extrême, ou encore totalement absurde. Il a extrait sa façon d’être et son langage tantôt moqueur, tantôt bienveillant, pudique ou d’une crudité absolue. L’histoire de cette vie nous parle de nous, de nos errances et de nos espoirs. Et, jusqu’au dernier instant, la question nous taraude de ce départ. Au travers du regard de ce personnage sur le monde et de son aspiration à partir pour toujours, c’est notre propre quête qui s’exprime, à la fois dérisoire et grandiose.
Pour accompagner ce périple, avec Claude Plet pour la scénographie, Didier Brun aux lumières, Guillaume Siron et Bruno Ralle qui créent l’espace sonore, Marie-Christine Franc aux costumes et Julien Reynaert qui m’assiste ; nous avons imaginé un espace-temps, dépouillé comme l’univers de Patrick Perrin. Univers qui va du plus petit au plus grand au rythme d’une ballade, dans l’esprit d’un « road-movie » d’appartement, tragique et joyeux comme une Vie.
Panchika Velez
7 rue Véron 75018 Paris