En langue française.
Dans le chef-d’oeuvre de Massenet, les larmes ne cessent de couler, et cela dès qu’au clair de lune l’idylle s’est à la fois révélée et brisée. « Tout mon être en pleure », dit Werther. Voilà qui nous mène bien loin des larmes habituelles de l’opéra, qu’elles soient furtives ou qu’elles éclatent en violents sanglots.
Celles-là coulent lentement et inexorablement, une à une, patientes gouttes, dit Charlotte : en quatre actes, elles auront fait leur oeuvre. Charlotte ne peut les retenir en relisant les lettres de Werther, et ses larmes sont la seule part d’elle-même, le seul sacrifice qu’il ose lui demander. Elles couleront devant l’ange de la consolation qu’est Sophie. Elles couleront à la lecture d’Ossian. Elles couleront enfin devant le corps baigné de sang de Werther. Mais ces dernières, il les refuse : le voilà libéré et heureux.
Werther est un long requiem, lacrimosa dies illa, jour plein de larmes que celui-là. Un requiem à un jeune poète, s’achevant in paradisum. Car Werther, bien sûr, ne pouvait être que poète : c’est-à-dire au-dessus du monde, mais à lui malgré tout asservi. La mort plane au-dessus de lui et Massenet a marqué son chant du signe, que Rilke évoque dans les Sonnets à Orphée, de ceux qui vont mourir jeunes.
Drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux (1892)
Poème d'Edouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann d'après Johann Wolfgang von Goethe
Direction musicale : Michel Plasson
Décors et lumières : Charles Edwards
Costumes : Christian Gasc
Orchestre de l’Opéra national de Paris
Maîtrise des hauts-de-seine ⁄ chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris
Le livret est tiré du célèbre roman épistolaire de Goethe, que Massenet connaissait probablement depuis son séjour à Bayreuth en 1886. Contrairement aux livrets de Faust de Gounod ou de Mignon d’Ambroise Thomas, il s’écarte peu du texte original. La place du rôle de Charlotte apparaît toutefois comme une des différences essentielles : alors qu’elle restait à l’arrière-plan dans le roman (où le héros, auteur des lettres, agissait seul), elle occupe, dans l’opéra, une place égale à celle de Werther.
L’idée qu’on se faisait en France d’une idylle typiquement allemande a visiblement guidé le façonnement de l’oeuvre. Les épisodes s’enchaînent à la manière de tableaux de genre, les actes portant des titres, comme s’il s’agissait de chapitres dans un livre d’images. Dans cette esthétique, les épisodes les plus réussis naissent à l’occasion des luttes intérieures de chacun des personnages, lors des rapports - conflictuels ou non - résultant du drame entre Werther, Charlotte et Albert et donnant lieu à de grandes effusions mélancoliques.
L’orchestration est à l’image de la conception d’ensemble. Bien qu’il utilise un grand orchestre, Massenet élabore un tissu sonore dont la transparence évoque le plus souvent la musique de chambre. Le style des parties chantées ne vise pas au brillant, mais favorise le dialogue et le jeu scénique. Les relations entre les motifs et leurs rapports avec les personnages les rapprochent des leitmotive wagnériens. Massenet prend néanmoins ses distances avec le maître allemand, cherchant plutôt à élaborer un style « fin de siècle » français, qui se caractérise par sa finesse, son élégance et sa sensibilité.
Dès la création de son opéra, où le rôle-titre était conçu pour un ténor, Massenet reste insatisfait cette première option vocale. Il lui semble que l’épaisseur et la couleur du personnage de Werther conviendraient mieux à une voix de baryton. Mattia Battistini, baryton à l’aigu souple et facile, lui demanda d’écrire pour sa voix une version nouvelle d’un Werther devenu baryton, qui fut achevée dix années plus tard, en 1902.
A défaut d’avoir retrouvé l’exemplaire autographe composé par Massenet, il subsiste des copies des partitions chantées par Battistini, le plus souvent en italien. Il ne s’agit pas de la transposition d’une tessiture à l’autre, de la voix de ténor à celle de baryton, mais bien d’une conception renouvelée, fruit d’une réécriture complète. En résulte une conception psychologique différente. La redéfinition des caractères entre mezzo et baryton confère une patine sombre et tragique différente de la première version.
Werther a été créé à l’Opéra Impérial de Vienne, le 16 février 1892, en allemand, sous la direction de Massenet lui-même. La création en langue française eut lieu à Genève le 27 décembre 1892.
Place de la Bastille 75012 Paris
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