Le refus désespéré de l’état du monde
Regard sur la mise en scène
Extrait
Notes de mise en scène
Tous les voisins sont en émoi : la belle Nelly Protagoras s’en va. C’est que tout va pour le pire dans l’appartement des Protagoras, depuis qu’ils ont invité la famille Philisti Ralestine à s’y installer. Ils tentent de s'approprier ces « territoires occupés » en fracassant la jeunesse qui y vit. Aujourd’hui que c’est devenu invivable, la famille Protagoras voudrait bien que les Philisti Ralestine débarrassent le plancher. Quant à Willy, le frère de Nelly, il s’est enfermé dans les toilettes et refuse d’en sortir tant que les envahisseurs seront dans l’appartement.
L’enfermement de Willy n’est pas l’acte d’un enfant gâté. C’est le geste, le premier, d’un homme, jeune encore, qui découvre la férocité du refus désespéré de l’état du monde. Parce que le monde, le sien, est en train de s’écrouler, il a l’instinct du guerrier-poète, qui hurle à la tempête : “ Tu auras beau me tuer, me ravager, me déchirer, me noyer et me perdre, tu ne sauras pas ôter de mes yeux, mon regard, mon cœur et mon esprit, ma capacité mystérieuse et insensée de voir partout la beauté.” Que les autres veuillent le faire taire prouve l’acuité de son intuition.
Wajdi Mouawad
Après le succès de Littoral, Magali Léris signe ici sa deuxième mise en scène d’un texte de Wajdi Mouawad (Molière du meilleur auteur francophone 2005). Elle choisit la première oeuvre de l’auteur âgé alors de 19 ans, une pièce à l’écriture féroce et drôle, encore jamais créée en France.
Pourquoi le choix d’un tel projet, cette folie avec 18 acteurs en scène ? Après avoir mis en scène Littoral, j’ai demandé à Wajdi Mouawad de m’envoyer d’autres textes : j’ai presque tout lu, je me suis arrêtée à Willy Protagoras enfermé dans les toilettes inédite à ce moment là. Coup de foudre immédiat, une nécessité s’impose à nouveau.
La révolte de l’adolescence
C’est une pièce cruelle qui dénonce le fonctionnement clanique de deux familles, les Protagoras et les Philisti-Ralestine, qui vivent ensemble mais se disputent le droit de rester dans l’appartement possédant la seule fenêtre de l’immeuble avec vue sur la mer. Ces deux familles, qui se ressemblent et se détestent, ces deux familles provoquent les jalousies de tous les voisins, à cause justement de cette fenêtre, à cause de l’étendue de l’appartement… voisins qui, sous prétexte d’apaiser les luttes internes, vont tenter de s’approprier ces « territoires occupés »… en fracassant la jeunesse qui y vit.
Métaphore des guerres civiles de nombreux pays, la pièce dit avec rage la révolte de la jeunesse contre un monde adulte qui la tue et lui fait vivre l’enfer par égoïsme, par volonté de pouvoir, par bêtise, par manque de cœur, par intérêt économique.
A la lecture de Willy…, j’ai pensé… c’est une pièce sur l’adolescence qui nous replace dans l’époque la plus libre et la plus difficile à vivre : celle de l’approche de l’amour, de la détestation de la famille, celle du refus de vivre sous le joug de la loi parentale, celle où tout est possible, même le pire, le pire étant ici le suicide, mais où le pire est vécu comme une libération, un geste de liberté.
C’est une pièce des extrêmes, où les sentiments sont grands, violents, malmenés et où les jeunes gens cherchent désespérément leur place. Les adultes y sont égoïstes, méchants, mesquins, violents, menteurs, opportunistes, envieux, intéressés, calculateurs… Ils n’écoutent pas et ne comprennent rien ; les jeunes y sont purs, poètes, créateurs, mais abîmés déjà.
Un humour salvateur
Pourtant c’est une pièce très drôle, où l’humour tient une très grande place ; encore une fois la langue impitoyable de Wajdi Mouawad nous fait rire avant de nous prendre à la gorge, pour nous forcer à voir, à entendre. Les personnages de la pièce évoluent parfois dans une truculence du geste et du verbe qui m’a fait penser à Rabelais ; c’est ainsi que l’on rit avant d’être saisi d’effroi, et parfois la douceur du verbe rejoint la poésie que tout artiste porte en lui, comme une réponse à la laideur du monde.
La pièce est aussi drôle que désespérée, et en cela elle ressemble à cet âge fragile de l’adolescence. C’est cela qui m’intéresse : parler de ce moment fragile de la vie où tout nous atteint, où tout est important, où on cherche avec joie et douleur à serrer le monde dans nos mains, pour le tenir, et croire qu’on peut y participer et le changer. Parler de la position du jeune artiste dans le monde, celui que tout touche et émeut, celui qui ne fait encore aucune concession, celui que son art sauve et qui nous montre le chemin de la liberté, celui qu’on devrait suivre, écouter, voir. Ce qui m’intéresse c’est le regard tendre et cruel que l’on peut porter sur des adultes en proie aux compromissions, aux contradictions, simplement parce qu’ils sont tellement humains… on ne les condamnera pas tout à fait… on y arrivera pas… parce qu’on sait que peut-être on leur ressemble.
A qui ressemblons-nous désormais ? A l’adolescent exigeant, un peu bête et génial qui s’enferme dans les toilettes ? A l’adulte raisonneur, arrogant, sûr de lui, qu’est le notaire ? A la mère, pleine de bonnes intentions, qui passe à côté de tous par chagrin et épuisement d’une vie ratée ? Aux pères faibles, qui « parlent de cul » pour affirmer un pouvoir qu’ils n’ont pas ? Au vieil homme dont la bonté n’a d’égale que la lâcheté ? A la jeune fille qui rêve d’amour et qui a peur de vivre ? Aux voisins envieux, qui colportent des bruits sans savoir ? Qui sommes-nous de tous ceux là ? Peut-être un peu de chacun…
Ce n’est pas une pièce morale, elle ne délivre pas de message, ni ne donne de leçons. C’est une pièce vivante, pleine d’énergie, de cris, de douleurs, de folie, de situations rocambolesques, c’est une pièce réjouissante, qui ose là où habituellement on reste tiède, c’est culotté, gonflé, puissant. C’est du théâtre bouillonnant.
L’adolescente en moi, celle qui n’a pas su dire en son jeune temps ce qui l’étouffait, qui a obéi à la loi adulte, et qui retrouve avec cette écriture des sentiments enfouis, cette vieille adolescente trouve aussi un projet de révolte : l’aboutissement de cette révolte sera la mise en scène de la pièce.
Magali Léris
WILLY
Vous dites de moi que je suis gros, que je suis laid, que je suis un infâme ! Eh bien ! Vous ne saurez pas si je suis gros ! Vous ne saurez pas si je suis laid ! Vous ne connaîtrez pas la couleur de mes yeux, ni la violence de ma peinture ! Cet univers vous est définitivement interdit ! Vous ne saurez pas qui je suis ! Vous ne saurez pas le fond de moi, qui vous bouleverse, car je vous bouleverse, je vous bouleverse, et vous retenez toujours vos larmes pourtant ! Vous ne toucherez pas à ce que j’ai de plus précieux : mon insouciance, vous ne la toucherez pas ! Je vous hais, je vous hais, je vous hais pour ce que vous dites, pour la mauvaise construction grammaticale de vos phrases, pour le manque d’imagination de vos mots, pour la pauvreté de vos mensonges, je vous hais, je vous méprise, pour la structure de vos vies, pour la tristesse de votre quotidien, pour votre méchanceté ; ici, je parle, je crie, mais personne ne me touchera. Il n’y a pas de peine d’amour, il y a la passion maîtresse qui me guide, celle de l’amour et celle de la création.
5 actes - 3 décors. 19 personnages, 18 actrices et acteurs, parfois les 18 en scène. Pour une durée d’environ 1h45.
Scénographie
Des panneaux assez hauts, en forme de U, très légers, mobiles, recouverts de tulle ou plastique sont manipulés par les acteurs pour signifier différents espaces : une fenêtre, une porte, un mur, les toilettes au fond. Ces manipulations permettent de moduler tous les espaces : intérieur de l’appartement, intérieur ou extérieur des toilettes dans lesquelles Willy est enfermé. Ainsi le spectateur « change de point de vue » tout au long de la pièce.
Les costumes
Ils évoquent les années cinquante et soixante référencés cinéma italien : les femmes très belles, maquillées œil de biche, talons hauts, bas, porte jarretelles, fourrures mitées, coiffures choucroutes, et robes très serrées à la taille, poitrine pigeonnante. Les hommes un peu mafieux, mais très élégants, costume, chemisette, borsalino, mais marcel, bretelles, chainettes et gourmettes voyantes. Le tout doit donner une impression de gens qui cherchent à s’élever par l’apparence extérieure, et comme on dit dans le sud, qui mettent « tout sur le dos » pour avoir l’air riche ; les jeunes seront de la même époque, mais simples, sans affectation, sans bijou, sans « frime ».
La lumière
Elle sculpte l’espace, et donne la couleur des pays du sud (l’extérieur, les balcons, la vue sur la mer, le soleil couchant) et la couleur de l’enfermement (Willy dans les toilettes), du désespoir (le départ de Nelly, le suicide d’Abgar). La lumière joue avec l’opacité et la transparence des panneaux pour obtenir des ombres significatives des personnages, devant et derrière les panneaux.
Un rythme
Il est celui de la parole : rapide, ce sont des gens du sud qui parlent vite et fort. Ils exagèrent tout, parlent avec les mains, avec un verbe haut en couleur, ils font « du cinéma », s’agitent beaucoup, agissent, mais en dépit du bon sens, sans réfléchir. Une mise en scène qui rend compte de cette rapidité, de cette stupidité.
Et puis des moments où tout s’arrête, parce que la jeunesse oppose sa vérité, sa parole sensée, son désespoir, sa cruelle lucidité.
Opposition entre une jeunesse étrangement calme et des adultes infantiles, entre poésie et humour qui « vivent ensemble » tout au long de la pièce.
Nous avons recherché des rapprochements avec l'histoire du Liban. ça parit évident parfoi et puis pas clair à d'autre. willi évoque l'aprenti sorcier qui, pour chasser les palestiniens provoque des démons encores plus dangereux . qu'en pens wajdi mouawad qui , lui connait et la piece , et l'histoire ?
Le propos semblait intéressant, les intentions prometteuses. Mais le résultat très décevant. Vulgaire, sans la folie annoncée, avec une distribution déroutante. Si la poésie affleure et certains personnages sont touchants, et qu'on sent l'oeuvre en germe, l'ensemble ne laisse qu'une impression irritante. En revanche les ados dans la salle gloussaient à tout gros mot proféré. Pas besoin d'aller au théâtre pour ça, n'est-ce pas ?
Nous avons recherché des rapprochements avec l'histoire du Liban. ça parit évident parfoi et puis pas clair à d'autre. willi évoque l'aprenti sorcier qui, pour chasser les palestiniens provoque des démons encores plus dangereux . qu'en pens wajdi mouawad qui , lui connait et la piece , et l'histoire ?
Le propos semblait intéressant, les intentions prometteuses. Mais le résultat très décevant. Vulgaire, sans la folie annoncée, avec une distribution déroutante. Si la poésie affleure et certains personnages sont touchants, et qu'on sent l'oeuvre en germe, l'ensemble ne laisse qu'une impression irritante. En revanche les ados dans la salle gloussaient à tout gros mot proféré. Pas besoin d'aller au théâtre pour ça, n'est-ce pas ?
1, place de Bernard Palissy 92100 Boulogne Billancourt