Dans une banlieue pavillonnaire aseptisée, où les haies sont comme taillées au couteau, où l’idéal de vie familiale « petit-bourgeois » demeure brandi comme un étendard, même si plus personne n’y croit, Wolfgang rêve d’un amour absolu et éternel. Mais entre des valeurs archaïques transmises par des ancêtres écrasants ou dénaturés et un idéal social étriqué, Wolfgang ne trouve comme issue à son désir que l’enlèvement d’une enfant. Et, sous couvert d’amour fou, il endosse naïvement le rôle du dictateur.
S’inspirant d’un fait divers notoire, Yannis Mavritsakis donne la place du protagoniste au tortionnaire. Et il convoque dans le quotidien les fantômes d’Hamlet et de Prométhée pour tendre un miroir à notre monde en crise. Ecrasé par un père omniprésent, symbole d’une hérédité insidieuse et envahissante, qui ne laisse jamais à l’autre la place de grandir, Wolfgang n’a pour horizon qu’un mode de vie standardisé et hypocrite qui ne satisfait pas ses aspirations romantiques. La Grèce, à qui on ne cesse de rappeler sa glorieuse et enviable ascendance, se heurte aujourd’hui à une Europe libérale et angélique, qui feint de croire que son modèle économique est le bon, que nous avons tous les mêmes besoins, et que les mauvais élèves devraient mieux consommer pour être sauvés.
On a pu croire que le mythe s’inspirait d’une réalité pour la magnifier. On fait ici le chemin inverse, comme si on retombait du mythe dans la réalité ; et celui-ci ne nous aide plus à vivre, et la réalité est laide ; comme un mauvais réveil ; comme si on nous avait fait croire que nous étions des dieux alors que nous ne sommes que des hommes.
Traduit du grec par Dimitra Kondylaki et Emmanuel Lahaie.
« Wolfgang peut être lu, à mon sens, comme une métaphore de la situation de la Grèce aujourd’hui. Le personnage est écrasé par la présence obsédante et immuable de ses ancêtres, et n’a pour horizon qu’un mode de vie standardisé et hypocrite qui ne satisfait pas son rêve d’amour fou. La Grèce, à qui on ne cesse de rappeler sa glorieuse et enviable ascendance, se heurte à une Europe libérale et angélique, qui feint de croire que son modèle économique est le bon, que nous avons tous les mêmes besoins, et que les mauvais élèves devraient mieux consommer pour être sauvés. Faut-il relever que Wolfgang tente de résoudre sa contradiction en endossant le rôle de dictateur ? Puisse la Grèce échapper à une semblable solution. »
Laurence Campet – septembre 2013
10, place Charles Dullin 75018 Paris