Etty (Esther) Hillesum est née le 15 janvier 1914 à Hilversum (Pays-Bas), de parents juifs. Son père, professeur de langues anciennes était un érudit. En 1924, il s'installa avec sa famille à Deventer où il fut directeur adjoint, puis directeur du lycée municipal. Sa mère, russe à la forte personnalité, s'était réfugiée en Hollande pour fuir les pogroms.

J. G. Gaarlandt, éditeur du Journal d'Etty Hillesum, nous dit dans sa préface : "Etty et ses frères Michael (Mischa) et Jaap - tous deux ses cadets - étaient extrêmement doués. Etty était très intelligente, sans posséder la rigueur intellectuelle de son père. Mischa était un pianiste génial ; il aurait été à ranger parmi les tout premiers pianistes d'Europe s'il avait vécu. Bien que leur grand-père fût grand rabbin, Etty n'a pour ainsi dire pas été élevée dans la religion juive. La profondeur de ses liens avec le peuple juif et la force de son sentiment religieux ne devaient se révéler que plus tard."

Son journal commence le dimanche 9 mars 1941. Etty a 27 ans. Au mois de février, elle a rencontré Julius Spier un "psycho-chirologue" qui connaît alors une certaine célébrité. Spier est un juif allemand né le 25 avril 1887. En 1925, il commence une analyse avec Carl Jung puis suit son enseignement pendant deux ans. C'est Jung lui-même qui l'incita à faire de la "psycho-chirologie" son métier. "C'était un homme hors du commun, une "personnalité magique", au dire de beaucoup de gens et surtout des femmes. La faculté qu'il possédait de percer les secrets de la vie par l'observation des mains semble avoir été stupéfiante et fascinante. Et ce qu'il découvrait ainsi, il tentait d'en approfondir l'analyse en psychologue." (J. G. Gaarlandt). Mentor, compagnon, ami spirituel, Spier remplira tous les rôles auprès d'Etty. Et c'est à travers leur relation qu'elle explorera le monde du désir, de l'attente et de la dépendance, jusqu'à trouver enfin en elle les sources du véritable amour - un amour "impersonnel" qui ouvre le chemin menant à Dieu.

Cette rencontre, essentielle, unique, va être le point de départ d'un travail d'introspection systématique qu'Etty mettra par écrit entre 1941 et 1942 - années de guerre mais aussi années de développement personnel et même de libération intérieure pour cette jeune femme dont l'existence s'achèvera à Auschwitz, le 30 novembre 1943. Tout au long des huit cahiers qui nous restent d'elle, Etty nous fait parcourir les arcanes de son univers intérieur. Et ce voyage, vécu sur fond de persécutions nazies, mène de la peur à la non-peur, de la crispation à l'ouverture, de la tension à la paix.