Tout commence tranquillement. En 1971, Pina Bausch est revenue diriger le Folkwang Ball et après un séjour aux Etats-Unis. Le Wuppertal Buhnen sans se douter de rien, lui demande de collaborer à deux de ses spectacles, dont Tannhäuser de Richard Wagner. La chorégraphe s’installe sans fracas dans la ville pour prendre sagement les fonctions de directeur de ballet de l’opéra local. Elle remplit parfaitement ses engagements, créant de nouveaux ballets, en apparence conformes à ce que l’on attend d’un bon directeur de compagnie. Iphigénie en Tauride, Orphée et Eurydice (1975) et surtout Le sacre du printemps (1975) correspondent à de vrais ballets, normaux…
Mais, déjà, quelque chose de très profond est en marche, car, dans ces pièces, plus d’illustration du livret, mais l’exploitation des relations, le plus souvent de tension entre musique, chant et mouvement. La méthode Bausch est amorcée. En 1973, la chorégraphe a structuré son équipe sous le nom de Wuppertaler Tanztheater et très rapidement des interprètes exceptionnels la rejoignent. On retrouve Dominique Mercy, Malou Airaudo, Jan Minarik, autant de figures qui marquent une révolution d’autant essentielle que tout y semble fragile, à commencer par la choégraphe. Difficile de voir dans cette longue silhouette frêle, portant toujours un air douloureux, la figure de proue des trois Tanztheaterfrauen (les trois femmes du théâtre dansé, avec Suzanne Linke et Reinhild Hoffmann), réformatrices de l’art de la scène - plus encore que de la seule danse - en Allemagne et dans le monde entier. La remise en cause des logiques du spectacle provoquée par l’œuvre de Pina Bausch eut au moins autant de répercussions, pour le théâtre, que celle de Kantor. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter des metteurs en scène (Georges Lavaudant par exemple) vanter l’influence qu’a pu avoir sur eux le travail de la longue dame de Wuppertal. Mais la danse, en particulier en France, n’a rien manqué de cette gestation. (…) L’influence sur la Jeune Danse française a été majeure, d’autant que certaines de ces figures furent interprètes à Wuppertal.
Philippine Bausch est née le 27 juillet 1940, année symbolique, à Solingen, où ses parents tiennent le café qu’elle évoquera dans sa célèbre pièce Café Müller (1978 ). Marquée par cette enfance au cœur d’une Allemagne en route vers l’année zéro, elle entre à la Folkwanschule d’Essen que dirige Kurt Jooss, figure de la «danse d’expression » revenu en Allemagne après avoir fui le nazisme. En 1959, lauréate du prix Folkwang, la jeune Pina obtient une bourse pour les Etats-Unis. A New- York, elle étudie avec Antony Tudor de la Julliard School of Music et travaille avec Paul Taylor au Metropolitan Opera Ballet. Membre de la compagnie de Paul Sanasardo, l’un des creusets de la danse américaine, elle est appelée par Kurt Jooss pour être soliste dans son Folkwang Ballett. De retour en Allemagne en 1962, elle réalise ses premières chorégraphies, déjà invitées par des compagnies et des festivals étrangers. Puis elle part pour Wuppertal.
Après le choc du Sacre du printemps, l’œuvre de Pina Bausch connaît une nette inflexion. Elle cherche, au plus profond de ses interprètes, les failles, les douleurs de l’âme, elle gratte les comportements pour faire apparaître ce qui est communément caché. Ces matériaux sont constitués des réserves humaines - souvent biographiques - de ses interprètes. Elle s’attache d’abord au danseur, à son corps, à son état naturel, puis à ce qu’il peut extérioriser de sentiments, d’états refoulés, de souvenirs : de là naît le mouvement. On en retient ces images fascinantes, construites à partir d’un jeu de contrastes, et à travers lesquelles Pina Bausch exprime sa conception du monde.
Mais la force des pièces tient aussi à leur vertigineuse scénographie. Elle taille ses décors dans une nature hyperbolique où systématiquement tout est exceptionnel. (…) Avec le temps, le processus de création s’est élaboré. Depuis Viktor (1986) mais surtout Palermo, Palermo (1991), la compagnie part, s’installe dans une ville en picorant l’air du lieu, opère comme une dissection de l’âme des sites. Parfois elle revient deux fois Viktor (1986) comme O Dido (1999) sont consacrées à Rome. Mais dans la pièce la plus récente, la Ville éternelle est comme auscultée de l’intérieur. La mort romaine, celle des catacombes et des fouilles pèse, mais les hommes, les comportements, les non-dits sont tout aussi présents. Le sujet, la méthode sans concession sont là. Une pièce de Pina Bausch, c’est un peu la théâtralisation impossible d’une psychanalyse collective.
Philippe Verrièle In Légendes de la danse, Editions hors collection
Elle décède le 30 juin 2009, à la suite d'un cancer fulgurant.
Fritz,1974
Iphigénie en Tauride, 1974
Zwei Krawatten, 1974
Ich bring dich um die Ecke... /
Adagio de Gustav Mahler 1974
Orphée et Euridice, 1975
Le sacre du printemps, 1975
Les sept péchés capitaux, 1976, d’après Bertolt Brecht et Kurt Weill
Le château de Barbe-Bleue, 1977 d’après Béla Bartók
Komm tanz mit mir, 1977
Renate wandert aus,1977
Café Müller, 1978
Kontakthof, 1978
Arien, 1979
Keuschheitslegende, 1979, 1980
Bandoneon, 1980
Walzer, 1982
Nelken, 1982
Sur la montagne on entendit un hurlement, 1984
Two cigarettes in the dark,1985
Viktor, 1986
Ahnen, 1987
Die Klage der Kaiserin (cinéma), 1989
Palermo, Palermo, 1989
Tanzabend II (Madrid), 1991
Orphée et Eurydice, 1993
Das Stück mit dem Schiff, 1993
Ein Trauerspiel, 1994
Danzón, 1995
Nur du, 1996
Le laveur de vitres, 1997
Masurca fogo, 1998
O Dido, 2000
Wiesenland, 2001
Água, 2002
Pour les enfants d’hier et d’aujourd’hui, 2002
Ein Stück von Pina Bausch, 2003
Ten Chi, 2004
Nefes, 2003
Rough Cut, 2005
Orphée et Eurydice, 2005
Vollmond, 2006
Bamboo Blues, 2007
Sweet Mambo, 2008
Cet(te) artiste n'est pas lié(e) en ce moment à un spectacle.
Opéra Garnier, Paris
Créée en 1977, la pièce de Pina Bausch, qui entre au répertoire du Ballet cette saison, métamorphose l’opéra de Bartók en un rituel sauvage et intense : celui d’un homme qui se confronte à sa volonté de puissance, à ses désirs, à ses fantasmes. Le conte original de Perrault inspire cette pièce majeure de la danse-théâtre.
Opéra Garnier, Paris
Kontakthof est la troisième pièce de Pina Bausch à entrer au répertoire du Ballet de l’Opéra national de Paris après Le Sacre du printemps (1997) et Orphée et Eurydice (2005). On y retrouve tous les éléments propres à l’univers de la chorégraphe allemande.
Théâtre du Châtelet, Paris
Opéra Garnier, Paris
Opéra Garnier, Paris
Opéra Garnier, Paris
Théâtre du Châtelet, Paris
Opéra Garnier, Paris
Opéra Garnier, Paris
Théâtre de la Cité Internationale, Paris