Pièce jouée dans le cadre des Nuits d'été à l'Hôtel Gouthière.
Deux actes qui devraient figurer dans les œuvres dramatiques mais que Musset a toujours laissés parmi ses poésies dans un recueil intitulé «Spectacle dans un fauteuil ». Son frère Paul relate une lecture de cet ouvrage, faite par Alfred de Musset à des amis … « On écouta jusqu’au bout dans un silence morne. Etait-ce admiration, saisissement, surprise ou mécontentement ? Je ne sais. Toujours est-il que la séance fut glaciale » …
Mérimée seul s’approcha de l’auteur et lui dit tout bas « vous avez fait d’énormes progrès ; la petite comédie m’a beaucoup plu ». Paul et Alfred de Musset, dans leur jeunesse, passaient parfois une partie de leurs vacances au Mans où leur oncle maternel, Guyot-Desherbiers, était conseiller de préfecture … on dansait, on jouait aux charades, on faisant sur la Sarthe des promenades en bateau.
Quand Alfred de Musset écrivit A quoi rêvent les jeunes filles, il se souvint de cet agréable milieu … « Deux sœurs pleines d’esprit et de grâces, qu’il avait connues au Mans et qu’il appelait ses premières danseuses, lui servirent de modèles pour les deux charmantes figures de Ninette et de Ninon. » C’étaient les demoiselles Le Douairin, Louise et Zoé.
Le tout jeune Musset dévoile déjà son ambiguïté et les thèmes qui seront abordés dans ses chefs-d’œuvre. On y découvre une étonnante maturité dans le portrait d’un père qui éveille chez ses filles le sentiment amoureux pour un jeune ingénu idéaliste qui n’est autre que son double … on y devine la dualité chère à Musset, qui se concrétisera dans certaines de ses œuvres, entre autres, dans Les caprices de Mariane et dans Lorenzaccio.
Autant il m’avait paru évident, l’an dernier, de transposer le jeune Corneille dans une période moderne, autant de même que pour « Un caprice » il y a trois ans, il m’apparaîtrait inopportun et même complaisant de traiter « A quoi rêvent les jeunes filles » dans un modernisme de pacotille qui risquerait de compromettre à la fois l’émotion, la poésie et l’humour lié à la désuétude du propos. J’ai voulu également accentuer l’ambiguïté d’un discours plus proche, comme souvent chez Musset, de l’esprit du 18 ème siècle que de celui du Romantisme.
Jean-Louis Bihoreau
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