En arabe surtitré en français.
Hsum Abu Eishah (Créon) : « Nous comprenons Sophocle parce que la tragédie palestinienne est beaucoup plus ancienne que la tragédie grecque. »
La mélodie de la langue arabe et les musiques du Trio Joubran, virtuoses de l’oud qui perpétuent une illustre tradition musicale, accompagnent Adel Hakim et sa mise en scène de la tragédie de Sophocle, écrite il y a 2500 ans. Cette pièce est créée à Jérusalem avec les acteurs du Théâtre National Palestinien puis ensuite à Ramallah, Jénine, Naplouse, Haïfa, Hébron et Bethléem. Le Groupe des Vingt en Ile-de-France est partenaire de ce projet et par l’association de ses différents théâtres, rend possible une tournée française de ce chef-d’oeuvre universel de Sophocle.
Avec les acteurs du Théâtre national de Palestine. Prix de la critique 2012 du meilleur spectacle étranger.
« C’est un spectacle dont la beauté plastique, la rigueur n’étouffent jamais l’émotion soulevée par les mots de Sophocle, la musique du Trio Joubran, le talent radieux des interprètes. Parfois les applaudissements éclatent parce qu’une réplique semble correspondre exactement à la réalité douloureuse du peuple palestinien. Mais c’est l’art et le partage qui réunissent ici le public. Pas les discours politiques. » Armelle Héliot, Le Figaro
« Une tragédie superbe aux échos contemporains. Une magnifique Antigone, interprétée par Shaden Salim. Jouée en arabe avec une version française surtitrée, la langue fleure bon la Méditerranée et exprime une formidable vitalité, tout en se pliant aux accents les plus tragiques. L’excellente musique du Trio Joubran, virtuose de l’oud, accentue les échos de ce texte vieux de près de 2500 ans. » Jean-Luc Bertet, Le Journal du dimanche
« Evènement tant le spectacle présenté en arabe relève d’une haute qualité artistique. Le choix de la pièce de Sophocle, Antigone, est d’une extrême justesse par rapport à la situation palestinienne sans qu’il ait été besoin de la « contraindre » de quelque manière que ce soit, de lui faire dire autre chose que ce qu’elle dit. » Jean-Pierre Han, L'Humanité
« La vision d’Adel Hakim lie Sophocle au monde actuel mais ne le relie à aucun événement ni à aucun personnage. Du moins de façon visible. La lumière a les bleus sombres des nuits de Jérusalem. Tout est exprimé, dans le jeu nerveux doublé d’une mise en scène à la délicatesse de pinceau, sans qu’on déplace le génie grec : la douleur intime et le mensonge des puissants. » Gilles Costaz, Politis
« Servie par une troupe d’acteurs remarquables, l’Antigone d’Adel Hakim se joue en habits de ville devant le palais de Créon qui, dans la belle scénographie d’Yves Collet, ressemble à s’y méprendre à la skyline d’une ville contemporaine. Apparaissant en hoodie et les cheveux au vent, la jeune Shaden Salim incarne une Antigone aussi libérée des carcans de la religion qu’en révolte contre la loi du tyran. Une magnifique porte-parole pour Sophocle, dont la pensée brille ici plus qu’ailleurs dans sa limpide modernité. » Patrick Sourd, Les Inrockuptibles
« Rarement, on avait aussi bien entendu la tragédie de Sophocle que dans ce beau spectacle où l’arabe se marie au grec ancien et où la simplicité se conjugue au refus de la facilité. » Les Trois Coups
« La beauté radieuse, la dignité, l'émotion, la justesse qui se dégagent de ce spectacle, bouleversent. On parle dans Antigone d'un monde très ancien, mais on entend une parole qui concerne aussi le pur présent. C'est très émouvant. » Armelle Héliot, Le Grand théâtre du monde
Oedipe, autrefois, a régné sur Thèbes. A sa mort, ses fils, Eteocle et Polynice, décident de se partager le pouvoir : chacun règnera un an. Etéocle devient roi, mais au bout de l'année il refuse de céder sa place à Polynice. Polynice monte alors une armée avec l'aide des Argiens et attaque Thèbes. Les deux frères vont finir par s'entretuer.
Après cette guerre fratricide, leur oncle, Créon, devient roi. Il décide de donner tous les honneurs funéraires à Etéocle et de jeter le cadavre de Polynice aux chiens. Antigone s'oppose à cette décision. Elle veut enterrer son frère Polynice, contrevenant à la loi édictée par Créon. Créon condamne alors à mort Antigone.
Hémon, fils de Créon et fiancé d'Antigone, va essayer de sauver la jeune femme qu'il aime. La tragédie se noue, le conflit est déclaré entre les morts et les vivants.
Le cœur de la pièce est l’amour que Hémon, fils de Créon, porte à Antigone. Hémon aime Antigone, mais Antigone aime Polynice son frère, Polynice qui est mort. A partir de là, la machine est lancée, le conflit est déclaré entre morts et vivants.
Le cadavre sans sépulture de Polynice, livré en pâture aux chiens et aux oiseaux de proie, devient à son tour anthropophage. Sous les apparences du rationnel, la dispute politique et religieuse entre Antigone et Créon ouvre inexorablement la porte des Enfers par laquelle vont s’engouffrer les vivants. Et le cauchemar commence. Hadès devient le personnage invisible mais principal avec, à ses côtés, le fantôme d’Œdipe et toute la généalogie des Labdacides. " Les plus courageux cherchent à s’enfuir quand ils voient Hadès en face " , dit Créon. Un face à face qu’on redoute – comme Ismène – ou qu’on souhaite – comme Antigone.
Au milieu d’une mer d’une infinie tristesse – celle du néant, du ciel sans limite ou du monde souterrain, chacun mesure l’immensité de sa solitude devant l’Incontournable, et l’intensité de son amour pour la vie et pour les vivants.
Malgré une fuite effrénée des âmes vers la folie et l’anéantissement, la pièce de Sophocle est un chant d’amour et d’espoir, une symphonie des sentiments, un météore précieux et brillant incrusté dans le noir du ciel qui semble vouloir repousser l’ombre même de la mort, en attisant notre goût pour la lutte et pour la vie.
Pourquoi une Antigone palestinienne ? Parce que la pièce parle de la relation entre l’être humain et la terre, de l’amour que tout individu porte à sa terre natale, de l’attachement à la terre. Parce que Créon, l’oncle d’Antigone aveuglé par ses peurs et son obstination, interdit qu’un mort soit enterré dans le sol qui l’a vu naître. Et parce qu’il condamne sa nièce à être emmurée. Et parce que, après les prophéties de Tirésias et la mort de son propre fils, Créon comprend enfin son erreur et se résout à réparer l’injustice commise.
La pièce de Sophocle suit la mise en place du processus inexorable de la tragédie. En créant ce spectacle à Jérusalem, avec le théâtre national palestinien, Adel Hakim donne à ce texte universel une dimension particulière, « parce que la pièce parle de la relation entre l’être humain et la terre, de l’amour que tout individu porte à sa terre natale, de l’attachement à la terre ».
Pris entre un ciel sans limites vers lequel ils voudraient s’envoler et un sol lunaire et fissuré prêt à les engloutir, les personnages se débattent sur la scène pour tenter d’effleurer la vérité du monde, face au chœur qui vibre, compatit, se révolte, commente – c’est l’opinion publique, masse inerte, œil du cyclone.
Adel Hakim
On entendra la voix de Mahmoud Darwich dans le spectacle, une voix qui a été associée, les dernières années de sa vie, aux musiques du Trio Joubran. Leur musique, la voix du poète, les artistes palestiniens qui ont crée ce spectacle, tout cela est au service de la pièce de Sophocle, si lointaine avec ses 2500 ans d'existence et si proche de part sa vérité humaine.
Comme Sophocle, le poète palestinien Mahmoud Darwich, décédé en 2008, a su célébrer la lutte des humains pour leur survie et leur dignité dans un monde de folie. Il reconnaissait être proche de l'histoire des Grecs anciens : « J'ai choisi d'être un poète troyen. Je suis résolument du camp des perdants. Les perdants qui ont été privés du droit de laisser quelque trace que ce soit de leur défaite, privés du droit de la proclamer. J'incline à dire cette défaite ; mais il n'est pas question de reddition. »
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