1518 : 30 millions d’Aztèques
1519 : Cortés débarque avec 11 vaisseaux, 100 marins, 600 soldats, 10 canons et 16 chevaux sur les côtes mexicaines
1521 : Chute de l’empire aztèque
1600 : 1 million d’Aztèques
1519. Cortés, accompagné de sept centaines d’hommes, débarque sur les côtes mexicaines. Ayant appris l’existence de l’empire aztèque, il commence une lente progression vers Tenochtitlan où il est directement reçu par l’empereur Moctezuma. Ce dernier, au regard de nombreux signes, légitime de plus en plus l’invasion espagnole : elle correspond au retour du dieu Quetzalcoatl. Cortés s’impose alors aux yeux du peuple aztèque telle une divinité.
Tandis que les Espagnols massacrent par milliers les Aztèques, Cortés et Moctezuma s’entraînent dans un rapport de séduction qui mènera le premier vers la désespérance et le second vers la mort, le tout sous le regard amusé et distrait d’un pape « maladif et variqueux », assistant à la conquête espagnole comme l’on pourrait suivre une mauvaise émission sur le petit écran...
Par la Cie Teknaï. Aztèques de Michel Azama est édité aux Editions Théâtrales.
Mettre en scène ce texte est un réel défi. Michel Azama a creusé un véritable labyrinthe spatio-temporel : les protagonistes se trouvant dans des lieux et des siècles différents conversent ensemble. Ainsi Cortés et le pape, l’un se trouvant au Mexique l’autre au Vatican, de sorte qu’on en vient à se demander si tout ceci n’est pas un cauchemar qui ferait "redire aux morts rajeunis leurs passions ininterrompues" (Baudelaire). C’est par la mise en scène que j’entends rendre évidente et intelligible l’apparente complexité de la structure d’Aztèques.
"Faire redire aux morts rajeunis leurs passions ininterrompues." Cette citiation choisie par l’auteur pour introduire son texte est également mon point de départ. Je souhaite axer la mise en scène sur un sentiment d’éternel recommencement, sur des personnages d’un autre temps s’amusant à rejouer la conquête plutôt que de la vivre. Nous avons décidé avec Natacha Le Guen, ma scénographe, de recréer une sorte de sous-sol, un entrepôt de musée, un lieu impersonnel où sont entreposés différents objets : tableaux, statues, armes… Sur des étagères métalliques, des caisses sont posées. Dans ces caisses, des objets. C’est peu à peu que ces objets s’animeront afin de nous raconter une histoire, leur histoire. Une sorte de danse macabre, où chacun joue à se faire peur. Moi qui suis généralement adepte du plateau nu, je trouve passionnant cet exercice : le spectateur doit alors détruire ce qu’il a sous les yeux pour reconstruire son propre décor. Son travail d’imagination est donc, à mon sens, plus poussé qu’avec un plateau nu.
Il ne s'agit pas pour moi de faire une rigoureuse reconstitution historique : le texte n'en est pas une. Claude Lanzmann (l’auteur de Shoah) a raison lorsqu’il dit que la reconstitution empêche l’imaginaire. Il y a dans le songe plus de vérité, je pense, que dans l’exactitude des choses. Un songe déformant notre perception de l'Histoire, afin de montrer aux spectateurs que cette conquête n'a pu se faire qu'à cause d'erreurs successives d'interprétation, afin de replacer le public dans les situations d'incompréhension et d'émerveillement dans lesquelles l'Aztèque a pu se trouver à la vue de l'Espagnol.
Comment se comporter avec autrui ? Telle est la question qui se dissimule derrière chaque page d’Aztèques. Ce texte ne cherche pas à apporter de réponse. Il souligne l’incohérence des hommes : venir pour découvrir une terre et prêcher l’amour de Dieu et ne rien faire d’autre que de découvrir une terre et massacrer au nom de Dieu. Aussi, comment rendre intelligible à tous cet égarement culturel, religieux et social qui malmène les fondements et les seules espérances de l’homme : l’amitié et l’amour. C’est par le théâtre que cette quête d’un honneur parfois difficile trouve son territoire.
Monter Aztèques, parce que les conquêtes n’appartiennent pas seulement au passé.
Quentin Defalt
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