" A quoi ça me sert les nouvelles du jour si elles sont fausses ? Il vaut mieux les lire le jour suivant, mais exactes. "
Laurent Vacher est un metteur en scène de la famille des passeurs. S’il est si attentif et sensible à tout ce qui est neuf, peut-être le doit-il à sa participation à la Mousson d’Été, à laquelle il collabore à divers titres depuis sa création. Cette fois-ci, c’est à un voyage en Sicile qu’il nous convie : celle de Spiro Scimone.
Né dans le port de Messine, Scimone fut d’abord comédien dans la prestigieuse troupe de Carlo Cecchi (directeur du Teatro Garibaldi de Palerme) avant de fonder sa propre compagnie en 1990. En 1993, sa première pièce en dialecte, Nunzio, reçoit un accueil public et critique enthousiaste. Deux ans après ce magnifique coup d’essai, Bar en tient toutes les promesses et remporte le prix Ubu. Depuis, une troisième pièce a confirmé le talent de Scimone. La Festa, créée en 1999, est à en croire son auteur « une sorte de rituel irrationnel sur la difficulté de se tolérer ». Elle est aussi sa première œuvre en langue italienne.
Car comme beaucoup de ses compatriotes, Scimone vit une sorte de bilinguisme, passant selon les circonstances de l’idiome de sa ville natale à l’italien standard. Cela explique-t-il l’importance qu’il attache à la valeur sonore et rythmique du langage ? Ou cette musicalité de son écriture tient-elle tout simplement au fait qu’ayant été acteur avant de devenir auteur, il fut le premier interprète de ses propres textes ? Toujours est-il que le recours au dialecte selon Scimone ne vise évidemment pas à l’exploitation complaisante de la couleur locale, mais revêt une valeur pleinement artistique. « Pour moi, a-t-il confié, les mots sont des notes, et leur ensemble forme un son qui doit être harmonieux et agréable à l’écoute […]. J’aime utiliser la répétition pour créer un état d’âme obsessionnel ; même si les mots sont très réalistes, leurs constructions répétitives, courtes et fantaisistes les arrachent au quotidien naturaliste et les aimantent vers une dimension paradoxale, souvent ironique ».
De même, la Sicile est moins, pour Scimone, l’occasion de détailler les mœurs et le folklore d’une province particulière qu’un espace où se donnent à voir, plus nettement qu’ailleurs en Europe, les remous qui parcourent la société dans ses profondeurs. Tel est d’ailleurs l’aspect de Bar et La Festa qui a retenu l’attention de Laurent Vacher. D’un côté, donc, un vieux couple - mère au foyer, père chômeur - qui célèbre ses trente ans de mariage en présence d’un fils contraint de vivre encore chez ses parents (La Festa) ; de l’autre, quatre journées dans les vies creuses de Petru et Nino, le père de famille sans emploi et le barman qui vit avec sa mère, dans l’arrière-salle d’un pauvre bistrot sicilien (Bar). Dans un cas comme dans l’autre, l’ironie de Scimone, son humour qui confine parfois au surréalisme, pointent les faillites d’une société occidentale « dite riche », écrit Vacher, « mais où une partie de la population est obligée de s’inventer une activité illicite pour trouver de quoi se maintenir la tête hors de l’eau ».
Place de la liberté (Boulevard Foch) 57103 Thionville