Coup de cœur CONTEMPORAIN Le 1er avril 2014
C'est un bien étrange objet qui vous est présenté : le récit d'un couple qui perd un enfant. C'est leur histoire et c'est eux qui la racontent sur scène. C’est à cela que vous êtes conviés : à prendre le risque de vous asseoir et d’écouter une histoire vraie, racontée en toute liberté, sans artifices. Déjà, il y a un malaise. Ce fut le point de départ, ce malaise. Celui d'inviter des gens à assister, impuissant, à la véritable douleur d'autrui.
Notre consommation d'informations et d'expériences est prodigieuse. Nos passions, comme nos indignations, sont fulgurantes, puis nous glissons rapidement vers autre chose. La douleur, elle, reste la même. Lancinante et persistante. Son épreuve laisse des traces, mais nous ne prenons plus le temps de les observer. Nous la taisons ou l'anesthésions. Il revient alors aux créateurs de trouver le chemin pour dévoiler cette partie que nous occultons. C'est à cela que nous vous invitons. À prendre le risque de vous asseoir et d'écouter une histoire vraie, racontée en toute liberté, sans artifices.
Nini et Pascal
Beauté, Chaleur et Mort, qui a obtenu à Montréal de nombreux prix dont celui du « moment théâtral unique », est le premier volet du « Cycle de la perte ». La seconde partie, Vipérine, dont le texte a reçu deux prix du meilleur texte jeune public en France et au Québec, sera présentée au théâtre Artistic Athévains conjointement.
« J’ai vu un spectacle déchirant et extrêmement dérangeant qui pose plein de questions sur ce qu’est le théâtre et sur le lien que l’on peut entretenir avec les sujets que l’on y aborde. On continue à s’interroger des jours et des jours plus tard… » Michel Bélair, Le Devoir
« Parler de Beauté, Chaleur et Mort d’une manière détachée est impossible. Ce n’est pas un objet théâtral comme les autres. C’est une œuvre à part entière, mise en scène avec soin. En témoigne cette scénographie dépouillée, ce jeu retenu et ce texte capable d’autodérision. » Alexandre Vigneault, La Presse
« Nini Bélanger fait un théâtre de micro-détails. A cette esthétique de gestes précis, de chaleur et de lenteur, elle ajoute une impudeur supplémentaire, due au non-jeu, à l’apparente réalité de la situation à la diminution des frontières entre la scène et le vécu. Le couple manie un art raffiné : donner l’impression d’un théâtre qui se construit dans l’instant. Une démarche très rare sur nos scènes, et rarement exploitée avec autant de tendresse. Une des pièces les plus marquantes de la saison. » Philippe Couture, Le Devoir
« Tout le monde le sait : c’est habituellement quand on ose que tout se fait plus intéressant. Quand on choisit de plonger vraiment. Sur scène, la chose est tout aussi évidente. On se retrouve là, en plein cœur du risque, avec le troublant Beauté, Chaleur et Mort. » Michel Bélair, Le Devoir
« Beauté, Chaleur et Mort n’est pas une œuvre grave, elle illustre la vie avec son lot de tristesse, de malheur et de cruauté, mais elle encourage l’humour et la légèreté. » Florence Bessac, pieuvre.ca
« Une étrange expérience théâtrale profondément intéressante et enrichissante. Une démarche artistique réfléchie où, privilégiant l’hyperréalisme, Nini Bélanger poursuit toujours plus loin l’expérience de l’intime repoussant ainsi la limite entre scène et réalité. » Marion Andreoli, Le Délit français
« L’hyperréalisme, fondamentale question sur les limites de l’intimité, de l’impudeur, sur ce qui est représentable sur scène. Les scènes traversées d’ironie et de tendresse blessée, sont intenses. Elles ne tombent jamais dans le pathos, et pourtant elles arrachent le cœur. » Yves Rousseau, le quatrieme.com
Je suis contente d'être ici
Le couple est assis sur la table et fait face au public.
Pascal : Bonsoir. Je m'appelle Pascal, je suis le chum d'Annie. Ce soir, je suis là parce que notre fille est morte. Ça fait à peu près trois mois pis... je pense que c'est tout ce que je vais vous dire à soir...
Nini : Bonsoir, je m'appelle Annie. Je suis la blonde de Pascal. Je suis aussi la maman de Philémon, cinq ans, et de Fée, qui aurait eu trois mois cette semaine. Je suis contente d'être ici, de pouvoir en parler. Je la porte tout le temps, partout où je vais. Ces temps-ci, je marche beaucoup, dans la ville, ça me fait du bien. Ça m'aère la tête, ça m'apaise. Mais en marchant comme ça, à travers les gens, je me dis souvent que personne voit la peine que je porte en dedans, au fond de moi, pis des fois j'aurais le goût de crier : " J'ai une fille… mais elle est morte ! " Je le fais pas. On fait pas ça. J'imagine qu'avant, c'était plus simple. Quand tu perdais quelqu'un, tu t'habillais en noir, pis le monde qui voulait t'en parler, il venait te voir, pis ceux qui voulaient pas, ben ils venaient pas. Moi, dans la vie, je me suis pas mariée, j'ai pas fait baptiser mes enfants, mais là, j'aimerais ça que le noir, ça veuille dire quelque chose. Je pense souvent à ça. Pis ça me fait penser que, si personne voit ma peine, qu'est-ce que les autres portent que moi, je vois pas ? Je pense à ça beaucoup ces temps-ci. Je suis vraiment contente d'être ici. Je suis contente d'être ici.
(Noir)
Beauté, Chaleur et Mort (extrait)
45 rue Richard Lenoir 75011 Paris