Il était une fois l’anarchie et la fantaisie allant faire un tour au pays du totalitarisme. L’équipe des Clownesses aime les sensations fortes. Ressentant un fort besoin de rigueur pour son second spectacle, elle a mis la barre haute : voyager dans le pays le plus strict et fermé du monde ! Ce sont dix jours en immersion en Corée du Nord qui sont donc à la genèse de la création. Après avoir assisté au spectacle d’une population vivant repliée sur elle-même, en dehors de nos réalités occidentales, les clownesses nous livrent leur ressenti « à chaud ». Et il n’est pas le même chez tout le monde !
Entre danse des missiles, numéros ratés de gymnastique rythmique et « sensuelle », en passant par un tube nord-coréen, le quatuor nous présente un témoignage authentique. La fragilité et la drôlerie des quatre camarades rendent la dureté et l’austérité de ce pays d’autant plus frappante. Et quoi de plus parlant que l’innocence et la sincérité des clowns pour révéler l’absurdité du monde ?
« Quoi de mieux que des " monstres " pour représenter un pays monstrueux... Tout en dédramatisant afin de donner à ressentir les fragiles existences d'une population interdite d'avenir. » Charlie Hebdo, Gil Chauveau
« C’est drôle, c’est bien joué, mais c’est aussi curieux, étrange. Un spectacle qui ne ressemble à aucun autre. » Télérama, Stephanie Barioz
« Avec une diction et une gestuelle impeccables, elles enfoncent habilement le clou là où ça fait mal. » Théâtre du Blog
Le clown est l’incarnation cruelle et brutale de notre animalité cachée. Il réveille nos pulsions, nos désirs et nos angoisses pour inventer un monde sans lois où règne terreur et beauté. Dès qu’ils sont lâchés, ces clowns, ces inventions de nous-mêmes, règnent sans partage sur notre travail de création. Ni l’auteur, ni le metteur en scène, ni même l’acteur n’a la capacité d’endiguer cette infernale folie. Dans son dénuement et sa sincérité, le clown rapporte sa vision du monde. Il est le fragile porte-voix des oubliés, des démunis et des oppressés. Il est aussi, par sa maladresse et son incapacité à tenir la ligne, un formidable révolutionnaire, contestataire de tous les ordres établis du pouvoir, de la bêtise et de la force.
Ce qui nous intéresse relève moins de la tradition du clown que de la quête de liberté et d’inattendu que permet cet art. C’est avec cette volonté de nous aventurer en terres inconnues, de nous affranchir du cloisonnement appliqué aux clowns, de nous essayer à de nouvelles audaces que nous avons voulu écrire un spectacle autour de la Corée du Nord.
Depuis 2002, la Corée du Nord est placée sur l’axe du mal : elle est devenue l’ennemie de l’Occident et de la démocratie dans le monde entier. Elle est considérée comme le pays le plus fermé où sévit le régime le plus autoritaire et arbitraire qui soit. Elle est dirigée par un dictateur ubuesque capable de tous les excès. Pour approcher le mythe, celui de la propagande du régime, et pour le mesurer au plus juste, il faut voyager en Corée de Nord.
Aller en Corée du Nord c’est se confronter à l’inimaginable, à la mise en oeuvre de la pire des fictions sur le totalitarisme. La propagande est omniprésente. Dans les villes, elle envahit l’espace en s’accrochant aux murs, ornant les rues, modelant l’architecture. Les Nord-Coréens en ont fait une religion. Tous arborent le badge de Kim Il-sung comme les chrétiens affichent leur foi et protègent leurs âmes avec une croix. La propagande a créé des livres, des films et des musées. Il semble que rien n’existe rien en dehors de la propagande, ni expressions artistiques individuelles, ni confrontations des représentations du monde. À l’échelle d’un pays, l’ensemble des dessins, images, peintures, sculptures répondent à une seule et même charte graphique, comme si tout cela avait été créé par une seule main. Dans des librairies ouvertes aux touristes, on ne trouve que des livres signés par Kim Il-Sung, Kim Jong-Il et Kim Jong-Un.
Lors de cet incroyable voyage, nous avons été frappés par l’écart qui existait entre ce que nous pensions trouver et ce que nous avons réellement vu et entendu ; par l’écart que nous ressentions entre le quotidien des Nord-Coréens et la manière dont eux semblaient le percevoir.
Lorsque nous avons entamé le processus d’écriture, nous avons voulu abandonner nos sentiments, nos pensées et nos réflexions aux clowns en adoptant une méthode d’écriture de plateau. Comme l’explique Didier Decoin : « ce sont les personnages qui écrivent leurs histoires, pas leur auteur ». Bienvenue en Corée du Nord est une expérimentation théâtrale, une tentative de mieux comprendre le monde contemporain, une volonté de faire état de nos doutes et de nos peurs.C’est un spectacle carte postale pour un pays hors du temps et de l’espace, un débat sur le réel.
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