Dans un espace éclaté entre le rituel, l’intime et le monstrueux, Kenza Berrada revêt la peau des autres et rapporte les paroles d’une victime d’abus sexuel, de l’agresseur et des témoins, faisant émerger les non-dits et les contradictions de la société marocaine.
Alors qu’elle parcourait le Maroc pour créer un spectacle documentaire sur le consentement, Kenza Berrada fait une rencontre qui bouleverse tout : « Je ne pensais pas que mon histoire pouvait intéresser quelqu’un », conclut Houria, après lui avoir raconté l’abus sexuel dont elle fut victime enfant. Impossibilité d’une véritable écoute, fatalité des souffrances intégrées par les femmes : « C’était comme ça à l’époque. »
« Mais ça finit quand cette époque ? »
Pour transmettre cette confession et le silence qui l’entoure, Kenza Berrada choisit de convoquer Boujloud, un rituel ancestral du Rif et du Haut-Atlas occidental. Au lendemain de l’Aïd el-Kebir, un homme est recouvert de peaux de moutons et métamorphosé en animal. La légende dit qu’il s’agit là d’une punition divine pour avoir abusé de femmes dans un lieu sacré.
Dans un espace éclaté entre le rituel, l’intime et le monstrueux, Kenza Berrada se fait conteuse, revêt la peau des autres, rapporte les paroles de la victime, de l’agresseur et des témoins, aborde la question de la frontière du corps, et fait émerger les non-dits et les contradictions de la société marocaine.
Christophe Pineau
76, rue de la Roquette 75011 Paris