La danse moderne est art de l’invention de soi. Cela s’est souvent traduit dans des soli mythiques. Carolyn Carlson en a signé plusieurs. Son immense silhouette y déroule la quintessence de son art. Elle dessine des figures d’une fascinante justesse, animées du flux perpétuel d’un mouvement de vibration universelle. Obstinée à creuser ce sillon, Carolyn Carlson ne se répète pourtant pas, et chacun de ses nouveaux soli condense un grand moment d’effervescence.
En 2006, Double Vision naît de la rencontre avec les artistes visuels d’Electronic Shadow. Ceux-ci orchestrent un superbe bain global d’images qui abolit la planéité du plateau comme du fond de scène. Il n’y a pas ici de simples images. Un espace total entre en mouvances, diffractions, duplications, tourbillons. Cela rend plastiques toutes les textures, densités et limites. Il y aurait là comme une fabuleuse interprétation contemporaine de la lanterne magique, usant des technologies les plus actuelles pour redire une magie des visions de l’univers.
Carolyn Carlson y est complètement immergée. Ses gestes infinis paressent procéder d’un principe général de la matière en mouvement. Ses figures prolongent un monde toujours ouvert, où la ville moderne prend des accents fantastiques, faisant place aussi à une folie qui rôde. Sa danse y traverse des registres inépuisables. Elle devient la métaphore d’un goût insatiable à se fondre dans la vitalité jubilatoire et complexe du monde.
Gérard Mayen
1, Place du Trocadéro 75016 Paris