Après sept spectacles et une Occupation, la traversée artistique de Nathalie Béasse se poursuit au Théâtre de la Bastille. Dans cette nouvelle création, son univers ludique s’élargit encore : le son, les couleurs, les corps, la matière, l’espace… tout s’embrasse en une seule rêverie.
Sur scène, sept interprètes sont rassemblés autour d’une table, un peu comme une famille. De lectures en digressions, des fragments de textes forment des impressions plutôt que des conversations. Ils sont des femmes et des hommes, intemporels, qui racontent, se souviennent, partagent. Mais de quoi parlent-ils ? C’est ce qui n’est pas dit que l’on entend le plus, dans les spectacles de Nathalie Béasse. Sous les mots, sous un masque ou sous des pulls, ce sont des histoires sensibles qui nous parviennent. L’évocation du manque, de l’absence, sont comme des ombres invitées à la table, des partenaires de jeu. Le vide a de la place et, subtilement, il nous permet d’observer des détails. La matière d’un tissu, la couleur d’une valise… Avec l’enfance en creux, tout peut devenir un jeu : construire, déconstruire, inventer. L’imaginaire prend le relais. Les interprètes deviennent techniciens, ils manipulent les différents éléments scéniques et dessinent l’espace, qui devient à son tour un récit. La musique enveloppe les corps et les voix, que Nathalie Béasse choisit pour leurs qualités de présence. Le jeu des acteurs peut s’arrêter, l’histoire continue quand même. Et cette histoire raconte aussi l’empêchement qui se joue des conditions du plateau, de leurs limites autant que de notre condition humaine: ainsi tout est fragile, instable et surprenant.
Artiste transversale, Nathalie Béasse développe un travail à la croisée des arts. Son vocabulaire emprunte aussi bien à la peinture qu’au cinéma, tandis que la danse et le théâtre sont sans cesse associés. Sa recherche se situe du côté de ce qui vibre, de l’équilibre mouvant, conjurant la peur du vertige. À travers son regard toujours poétique sur notre humanité, ses spectacles nous offrent la possibilité d’éveiller tous nos sens, avec émerveillement.
Elsa Kedadouche
76, rue de la Roquette 75011 Paris