Un montage de textes de Jean Cocteau, réalisé par Brigitte Fossey et Monique Bourdin. Deux voix, celles de Brigitte Fossey et Marie Adam, pour dire ces poèmes qui se prêtent si bien au partage.
Cocteau et son double
Les extraits
La presse
Quand Monique Bourdin m'a envoyé son montage poétique tissé des œuvres de Jean Cocteau, j'ai été tout d'abord frappée par la difficulté à pénétrer dans cet univers secret, apparemment simple - aussi simple et compliqué que le théâtre lui-même. Au théâtre, comme chez notre poète, « Je suis Nous - vous êtes Je ».
Comme Alice au pays des merveilles, comme l'acteur qui entre en scène, Jean Cocteau est projeté au-delà des apparences ; il veut abolir toutes les lois de l'espace et du temps. Il est dans l'éternité de son œuvre déjà de son vivant. Le théâtre ne consiste-t-il pas aussi à rendre présentes, là devant nous, des questions éternelles comme la vie et la mort, en dépouillant l'acteur de sa vie personnelle, afin de nous permettre avec lui d'entrer dans « la peau de son personnage ». Ainsi ce que nous appelons l'Art Vivant consisterait-il à donner, aux vivants en sursis que nous sommes, leur vraie dimension, celle qui atteindrait la lumière éblouissante de notre existence, celle de l'éternité de l'âme, elle aussi invisible vivante, qui parfois nous dirige et nous mène, et parfois, nous suit péniblement ; lorsque nous ne vivons pas notre vie - lorsque nous nous trahissons - lorsque nous nous ennuyons.
S'est, alors imposée à moi l'idée omniprésente chez Cocteau de son ange qui l'inspire et le force à écrire, de son double qui représente son obsession de l'âme éternelle, à l'œuvre en lui qui le guide et le modèle à la fois. Il me semblait donc nécessaire que nous fussions deux voix pour dire ces poèmes qui se prêtent si bien au partage. Il est peut-être insolent de faire interpréter Jean Cocteau par deux personnes qui se parlent, et se répondent, s'interpellent, se contredisent, s'entendent, s'écoutent, et jouent ensemble. Mais tel un enfant qui se consume, et garde son âme d'enfant, Jean Cocteau met souvent en jeu, dans sa poésie, un dialogue entre lui et lui-même : il se bouscule, comme un enfant bouscule la pierre de sa marelle, entre la terre et le ciel, entre la vie et la mort. Mais ce n'est jamais triste, ce n'est jamais lourd ; c'est le vent de la vie et de la poésie qui effeuille sa rose.
Parfois Jean Cocteau se cogne et se fait mal ; souvent le poète souffre physiquement et moralement, mais comme tous les vrais poètes, il sait « qu'il reste avec nous », grâce à son œuvre.
C’est cette conscience du devoir de l’écriture, de cette quête de lui-même en tant qu’écrivain, qui dut l’aider à surmonter toutes ses épreuves, sans oublier son humour et sa simplicité inimitables qui lui donnent toutes les libertés de langage, de rimes, et de pensée, dans un style très accessible, qui n’appartient qu’à lui.
Si je m’écarte de la cible,
Tout mon devoir n’ayant pas pu.
L’ange, serviteur inflexible,
Me cogne avec son front crépu.
Les deux voix me semblaient convenir aussi parce que ce poète, qui fréquente souvent l’ambiguïté, aime le paradoxe et la contradiction :
Il faut qu’un long amour
Souvent le cœur étonne
A force d’être bref.
La vie est tellement fragile, mais c’est sa fragilité qui en fait le prix : au regard de la mort qui nous attend, elle est déjà dans l’éternité, comme une bougie qui se consume, menacée par le moindre souffle, comme une étoile menacée par le jour, c’est le « merveilleux » de Jean Cocteau ; son clin d'œil d'enfant insoumis est en même temps celui d'un métaphysicien qui ne se prend pas au sérieux : « Le temps est de l'éternité pliée ; il n'y a ni passé, ni avenir, mais un éternel présent », éternel présent de Jean Cocteau.
Je voudrais remercier Pierre Bergé d’avoir donné son accord en huit jours pour ce montage poétique, mon ami Claude Pinoteau qui a conseillé à Monique Bourdin d’avoir la témérité de me confier ce spectacle, Jean-Claude Brialy qui nous a beaucoup encouragées et la Maison de la Poésie qui m’accueille à nouveau, après les Paroles de Prévert, les paroles de Jean Cocteau…
Brigitte Fossey
Le spectacle est composé d’extraits des textes :
La Difficulté d’être / Journal d’un inconnu / Le Secret professionnel / Le Coq et l’arlequin / Discours de réception à l’Académie française / Discours d’Oxford / Picasso / Jean Marais / Testament pour l’an 2000 / Le Dernier quart d’heure / Portraits souvenir / Plain Chant / La Rose des François / L’Ange Heurtebise / Allégories / Clair-obscur / Vocabulaire / Neiges / Le Requiem / Le Potomak / Les Enfants terribles (roman) / Le Menteur (théâtre de poche) / Orphée (pièce) / La Machine infernale (pièce) / Le Sang d’un poète / Orphée (scénario) / Le Testament d’Orphée (scénario) / La Belle et la Bête (scénario).
" Elles se ressemblent par la grâce, la blondeur, la tendre vivacité des cœurs purs. Elles se ressemblent comme une mère et une fille et comme deux sœurs qui célèbreraient le même idéal grand frère. Par-delà le temps, Brigitte Fossey et Marie Adam nous proposent une évocation du mode et de la personnalité de Jean Cocteau. […]
Brigitte Fossey qui fait ici ses débuts de metteur en scène fait preuve d’un sens profond du plateau. Rompue à ces exercices enchanteurs qui font des tréteaux le lieu de la poésie même, elle sait à merveille passer d’un registre à l’autre, d’un genre à un autre, d’une couleur à une autre et entraîne dans son sillage velouté une Marie Adam sensible et très précise. Deux belles au miroir de Cocteau, deux interprètes intelligentes, avec en elles ce qu’il faut d’énergie et de vitalité pour que la mélancolie de l’écrivain, du dralaturge, du cinéaste soit ici transfigurée en lumineuses vapeurs.
Les timbres se répondent et la voix de Jean-Claude Brialy prend des moirures à la Cocteau. Musicalement, c’est léger et grave. Il y a de l’insolite, de la cocasserie, des chagrins d’enfant, des rires en cascade, des regards, une séduction. Rien ici pour disloquer : dans la diversité même des thèmes retenus, c’est la cohérence d’un être que Brigitte Fossey et Marie Adam font surgir. Invisible et vivant, déchirant à force d’être vivant. " Armelle Héliot, Le Figaro, 18 février 04
" Fascinée par le côté « caméléon » de Cocteau, à la fois grave et drôle, souffrant et doué d’un incroyable sens de l’autodérision, Brigitte Fossey a imaginé de diviser la partition en deux voix. Sa fille Marie Adam et elle se sont réparti les répliques, changeant de peau et de ton à tour de rôle, à chaque extrait nouveau. Le fruit de leur travail complice est une mise en scène énergique, rythmée et subtile. Un plaisir pour le spectateur, qu’il soit ou non familier de Cocteau. " Sophie Conrard, La Croix, 16 février 04
" Il y a ici un moment de grâce et de jeunesse pure, rayonnant du sourire inaltérable de Brigitte Fossey en dialogue avec sa propre fille, dont la beauté est comme le lumineux reflet de celle qui est la source, et reçoit autant qu’elle donne. […] Avec les mots, les voix, les regards, les corps, qui se tiennet ensemble embrassées, passe une vibration mystérieuse qui exhausse le théâtre et se nomme poésie. " Jean Mambrino, Etudes, avril 2004
" On sent combien ces deux comédiennes prennent plaisir à nous livrer ces pépties de Cocteau, qui donnent irrésistiblement envie de le lire. Les musiques introduites sont parfaitement en phase avec l’émotion du moment, de même que les projections. Le rire que ces répliques spirituelles provoque est toujours de bon aloi. On se sent plus intelligent, le temps de la représentation. " Pierre François, La France Catholique, 20 février 2004
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