Rite social hérité du dîner de cour et transposé à l’aristocratie, capté par la haute bourgeoisie et copié par les nouveaux riches, le dîner en ville aura connu bien des aléas. Jusqu’à voir aujourd’hui certaines catégories sociales le dynamiter, créer leurs propres codes, inventer de nouveaux snobismes.
Rituel indissociable de l’art du dialogue et du trait d’esprit, le dîner en ville porte dans son code génétique l’usage de la civilité, où le non-dit s’y entend mieux que les propos les plus appuyés, pour devenir le théâtre essentiel de la construction des dominations.
Au menu, Christine Angot aborde les notions de pouvoir et d’engagement dans le contexte d’une élection présidentielle française. Le texte est situé dans « l’avant » de cette élection, et dans le fantasme des résultats. Et l’action sert de cadre à la situation personnelle de Cécile, Stéphane et des autres.
Un Dîner en ville pour « nous » mettre en scène dans notre réalité quotidienne et affective, dans nos silences, nos absurdités, nos contradictions, nos lâchetés et nos faiblesses.
Noémie Develay-Ressiguier est en alternance avec Julie Pilod.
« Dîner en ville est d’abord né d’un désir de théâtre partagé avec Christine Angot. Lors du festival Ambivalence(s) en 2014, nous l’avions invitée à lire des extraits de La petite foule, une galerie de portraits incisifs et profonds, composition d’instantanés, de choses vues, de propos entendus, centrés toujours sur des individus qui interagissent dans un contexte intime ou social.La théâtralité, la finesse et l’acuité des dialogues de ces portraits ont particulièrement retenu mon attention. Et à partir de cela, dans nos discussions, a émergé la question de la sociabilité et le motif du dîner en ville s’est imposé. Ce rite mondain d’apparence futile est en fait le théâtre essentiel de la construction des dominations.
Souvent, dans mes mises en scène, j’ai exploré le parcours d’êtres qui devenaient étrangers à eux-mêmes, des hommes invisibles aux prises avec une société monstrueuse qui efface et les contraint à l’invisibilité. Dans Dîner en ville c’est le personnage de Stéphane – un Martiniquais, ingénieur du son au chômage – qui voit plus nettement que les autres comment les inégalités, l’arrogance des politiques et le mépris social se sont répandus dans la vie quotidienne et dans les rapports humains.
Dîner en ville met en jeu ce qui ne se dit pas, ou ce qui ne devrait pas forcément se dire, et ce qui, parfois, dit autre chose que ce que cela est supposé dire. Un palimpseste où les couches affleurent, s’interpénètrent et se déploient, source de jeu, de double sens, de jubilation ! »
Richard Brunel
Qu’est-ce que la bourgeoisie ? Qu’est-ce que le bonheur ? Est-ce que je suis bourgeoise, est-ce que je suis heureuse ? Y a-t-il des critères ? Est-ce que je les connais ? Comment je les connais ? Qui me les a enseignés ? Et moi, quelles sont mes racines sociales ? Quelles sont nos racines sociales, et nos aspirations bourgeoises, est-ce que nous y comprenons quelque chose ? Quel est mon rapport à la bourgeoisie, à quel degré j’en viens ? Par rapport à la bourgeoisie, quel est notre mélange de fascination, de fi erté et de détestation ? Est-ce que nous comprenons les codes bourgeois ? Se contenir. Le bourgeois c’est celui qui accepte tout pour se fondre dans sa classe. Il n’étouffe pas. Il aménage des bouffées d’oxygène, où il satisfait certains désirs personnels, certaines pulsions. L’art, le théâtre, c’est quoi pour lui ? Une bouffée d’oxygène aussi, ou d’angoisse ? Qui lui rappelle qu’il a une vie de rêve, qu’il possède tout sur terre sauf le plateau, la littérature, l’imaginaire ?
Christine Angot, La Place du singe, 2005
15, rue Malte Brun 75020 Paris
Station de taxis : Gambetta
Stations vélib : Gambetta-Père Lachaise n°20024 ou Mairie du 20e n°20106 ou Sorbier-Gasnier
Guy n°20010