Chez les Chouraqui, on fête dans l’allégresse la naissance du petit Albert. Autour du berceau, on écoute du jazz (Gaston, le père d’Albert, est tombé dedans quand il était petit), on admire les robes des demoiselles, on parle football et mariage, on goûte aux makrouds d’Aimée (la mère d’Albert), on attend le rabbin qui doit venir circoncire Albert… La vie, quoi. La guerre vient de commencer. Une guerre qui ne dit pas encore son nom. Sept années plus tard, les rêves seront balayés. Tout ce petit monde se verra contraint de s’inventer un avenir. Ailleurs.
Cinquante ans ont passé. Albert enterre sa mère. Sa fille, Cécile, est avec lui. Il n’a pratiquement jamais vécu avec elle. Il la connaît à peine. Ensemble, ils videront l’appartement d’Aimée. Cet appartement où la famille a échoué après la débâcle. Ensemble, ils évoqueront cette Algérie, enfouie au fond de la mémoire d’Albert. Ils feront aussi le voyage l’un vers l’autre. Cécile aidant Albert à faire le deuil d’une enfance si longtemps prolongée, en devenant enfin père.
Les fils du passé et du présent s'entremêleront tout au long du récit. Toujours guidés par Albert, nous nous arrêterons en plusieurs endroits du passé : le jour béni de sa circoncision, différents épisodes familiaux où durant cette drôle de guerre la vie continue presque comme avant, l’arrachement à cette Algérie tant aimée, l’installation chaotique en France, le départ de Brigitte (la soeur d’Albert) en Israël, la mort de Gaston. Bref, comment en une cinquantaine d’années, la fière tribu des Chouraqui s’est dispersée. Et comment les rescapés (Albert et Cécile) pourront continuer à en écrire l’histoire.
La guerre d’Algérie est un épisode extrêmement complexe et douloureux. Comme dans tout drame de cette dimension, il est impossible de démêler le vrai du faux. Chacun, à l’intérieur de chaque camp, détient sa part de vérité.
Avec Dis-leur que la vérité est belle, je ne prétends aucunement à une vérité historique. La pièce a pour toile de fond la guerre et l’exode massif qu’elle a engendré. Elle décrit l’itinéraire des Chouraqui, une famille juive pied-noire ordinaire, de ces “petits” pieds-noirs qui n’ont pas pu ou pas voulu choisir leur camp et qui ont été balayés par le grand vent de l’Histoire. Jusqu’au bout, ils ont espéré qu’un miracle se produise. Jusqu’au bout, ils se sont mentis à eux-mêmes, encouragés en cela par les rumeurs de tous bords ou par les déclarations ambiguës des politiques. Jusqu’au bout, ils ont voulu croire que la vérité – leur vérité – était belle.
Avec cette pièce, j’ai voulu rendre hommage à mes parents qui étaient des gens humbles, des travailleurs, qui ne se sont pas enrichis, qui n’ont jamais “fait suer le burnous”. Ils ne se sont pas non plus rangés aux côtés de l’OAS, pas plus qu’ aux côtés des arabes, mais ils auraient accepté de vivre dans une Algérie algérienne, si la terreur aveugle, s’exerçant de part et d’autre, ne l’avait emporté. Chouraqui signifie en arabe “homme venant de l’Orient”. En choisissant de raconter l’itinéraire de cette famille, j’ai voulu éclairer un pan de l’histoire de ces juifs d’Afrique du Nord, devenus français par décret, très attachés à leurs racines juives, et en qui l’Orient subsistait profondément. Triple appartenance, donc. Avec cette pièce, j’ai voulu raconter à mes enfants d’où je venais : de cette Algérie, où je ne suis jamais retourné, et qui n’est plus, pour moi, qu’une construction mentale, une terre du souvenir. J’ai voulu comprendre pourquoi, malgré les années, je me considérais toujours comme un étranger, un exilé, “une personne déplacée”.
J’ai aussi voulu raconter que derrière les dates, les discours et les événements, il y a toujours des hommes. Ce sont eux qui font l’Histoire. Je veux croire que chacun de nous est responsable de la marche du monde.
J’ai écrit ce texte pour des acteurs avec lesquels j’ai développé une vraie complicité de travail. Après Adèle a ses raisons, c’est le deuxième spectacle que nous réalisons ensemble. Nous formons aujourd’hui une troupe, une petite famille de théâtre. Ces deux spectacles racontent l’histoire de familles ordinaires en prise avec la Grande Histoire. Ils sont aussi le fruit du travail d’une équipe passionnée par la recherche. Nous voulons rendre compte d’aventures humaines.
Jacques Hadjaje
" Hadjaje, patte d’écrivain. Cette chronique éclatée est une fort belle méditation sur la saveur de l’enfance – réelle ou revisitée par la mémoire - et la dureté de l’âge adulte dans la violence de l’Histoire. " L'Avant-scène théâtre
" Le spectacle avec ses dialogues, ses mouvements, est riche par la dimension humaine de ses personnages, leur vitalité, leur caractère et leur attachement à cette Algérie natale qui rend d'autant plus tragique l'inévitable rupture. C'est assez dire que cette vérité est belle, aussi belle à voir qu'à entendre, quand de surcroît, baignée par une musique jazz, elle est portée par une telle écriture et de tels acteurs. " la Marseillaise
" La pièce écrite et mise en scène par Jacques Hadjaje tisse avec élégance et pudeur les fils du passé et du présent, la grande Histoire et la petite, donnant vie à des personnages contrastés et attachants. A travers divers épisodes marquants, la pièce retrace les parcours individuels de ces immigrés déracinés. Albert ne quitte pas le plateau, et les fantômes du passé surgissent comme en soulevant un rideau, doucement, sans tapage ni folklore. Une belle équipe de comédiens participe à l’aventure. " La Terrasse
" Très belle pièce sur la transmission et l’exil. Jacques Hadjaje signe un tableau poignant d’une famille marquée par l’exil. Cette histoire de déracinement sur trois générations parle à chacun de nous, quelque soit notre origine. " 20 minutes
" Jacques Hadjaje a choisi de ne pas sombrer dans le folklore, les accents, l’habituelle représentation du monde pied-noir. Le quotidien se mêle au rêve, sans chronologie précise. Un spectacle bouleversant. " L'Arche
" Un magnifique spectacle. On n’ose pas féliciter tel ou tel comédien en particulier tant se dégage une impression de cohésion dans cette troupe merveilleuse. Chacun joue sa partition avec un instrument propre, mais c’est réunis que tous les instruments forment la plus belle partie. " Les trois coups
" La belle vérité des Chouraqui. Pas évident quand on évoque la guerre d’Algérie, de ne pas tomber dans la caricature, le manichéisme ou le mélo à gros bouillons. Porté par des acteurs justes et sobres, ce très beau spectacle évite ces écueils. Il se tient sur le fil, avec pudeur, tendresse, humour. " Le Point
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