Spectacle en anglais surtitré.
La tragédie baroque réussit à Declan Donnellan et à son scénographe de prédilection, Nick Ormerod. On se souvient des mises en scène triomphales de The Changelling (2006) et de The Duchess of Malfi (1995). Leur nouvelle création puisant à cette même veine est un chef d’oeuvre du genre.
Signée de l’auteur élisabéthain John Ford, provoquant contemporain de Shakespeare, Dommage qu’elle soit une putain porterait même la tension propre aux drames transgressifs nés à la fin de la Renaissance en Angleterre à son paroxysme. D’une exceptionnelle modernité, écrite dans une langue sublime, la pièce sulfureuse a intéressé les plus grands noms de la mise en scène, au théâtre comme au cinéma, de Visconti à Stuart Seide en passant par Guiseppe Patroni Griffi. Les plus grands acteurs ont investi les rôles du couple de protagonistes phares tels Romy Schneider et Alain Delon, Charlotte Rampling et Olivier Tobias, Laurence Roy et Christophe Malavoy.
Ce Roméo et Juliette puissance dix, histoire d’un amour sans merci, s’attaque au tabou des tabous. Giovanni est amoureux de sa soeur jumelle Annabella. Bravant en libre penseur les recommandations de son tuteur, Frère Bonaventure, il déclare sa passion dévorante, découvre qu’elle est partagée. « Tu es belle comme un couple d’étoiles, d’une beauté plus achevée que l’art peut imiter » s’enflamme Giovanni. De magnifiques et terribles transports de la chair consomment ces amours incestueuses. Le scandale de leur brutale découverte les consume.
La décadence des moeurs, loin d’être stigmatisée, ouvre les vannes à une violente critique politique et sociale, fustigeant la corruption, le dogmatisme et l’hypocrisie. Mieux rendue à son audacieuse splendeur baroque que jamais, la tragédie fouille le large champ émotionnel en s’amusant avec les règles de la dramaturgie classique. Le génie de John Ford mêle cruauté et drôlerie, grande beauté et risible médiocrité.
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