Confrontés à l’absurdité kafkaïenne de l’administration, les exilés d’aujourd’hui, qui souhaitent entrer en Europe, croisent ceux d’hier, qui voulaient en sortir, dans un unique espace. Pour ce nouveau spectacle, Amir Reza Koohestani tisse ensemble les points de vue, les langues et les médias. Spectacle en français, anglais et farsi surtitré.
Spectacle en français, anglais et farsi, surtitré en anglais et en français.
De nos jours, dans une zone de transit d’un aéroport européen, Amir, un metteur en scène iranien, ainsi que d’autres voyageurs, migrants ou exilés, sont retenus par la police des frontières pour des questions de visa. Parallèlement, en 1940, des déserteurs, des juifs, des artistes et des opposants allemands pourchassés par la Wehrmacht errent dans le port de Marseille dans l’espoir de franchir la Méditerranée et d’échapper aux nazis. Confrontés à l’absurdité kafkaïenne de l’administration, les exilés d’aujourd’hui, qui souhaitent entrer en Europe, croisent ceux d’hier, qui voulaient en sortir, dans un unique espace.
Dans ce non-lieu suspendu entre passé et présent, chacun est en transit. À cette double temporalité correspond une double inspiration : l’expérience personnelle d’Amir Reza Koohestani, brièvement détenu à l’aéroport de Munich en 2018 avant d’être renvoyé à Téhéran, et le roman Transit d’Anna Seghers, publié en 1944, qui raconte l’errance anxieuse de ceux qui, en 1940, n’avaient pas le bon passeport.
Pour ce nouveau spectacle, Amir Reza Koohestani tisse ensemble les points de vue, les langues (français, anglais, farsi...), et les médias, à travers un dispositif vidéo où les actrices sont filmées en direct. Coincés, les personnages, lointains héritiers de Beckett, doivent contourner les mots pour se comprendre. Bribes de paroles et éclats de subjectivité surgissent dans ce théâtre de l’intime, où l’essentiel advient de manière feutrée. Tous les rôles, y compris masculins, sont joués par des actrices – quatre femmes pour représenter l’humanité tout entière.
« Un spectacle raffiné et poignant. » Le Temps
« Une pièce brillamment interprétée et savamment mise en scène. » Libération
Alors que je travaillais sur une adaptation de Transit, le roman d'Anna Seghers qui parle des exilés fuyant le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale, j'ai été arrêté dans un aéroport européen, mon passeport m'a été confisqué et on m'a demandé de rester dans une salle d'attente. Ce qui s'est passé pendant ces heures et ce qui m'est resté de cette expérience a créé dans mon esprit des dilemmes personnels et professionnels avec lesquels je me bats encore.
J'ai commencé par être confronté à une de mes peurs viscérales : perdre mon passeport dans un aéroport. Mais quand cette peur est devenue réalité, j'ai ressenti une forme de liberté. Il n'y avait plus de raison d'avoir peur, c'était arrivé, et, maintenant, théoriquement, je pouvais être n'importe qui, mon nom et ma profession pouvaient être n'importe quoi. J'étais à la fois moi-même et pas moi-même. Mon identité était dans une situation transitoire. Au moment-même où j'étais en train d'écrire sur l'exil, je me suis soudain retrouvé entre des réfugiés et ceux qui ont le pouvoir de dépouiller les gens de leurs passeports, de leur refuser l'entrée dans un pays. Les mêmes qui, dans mon adaptation, cherchaient refuge, supervisaient maintenant une salle pleine de réfugiés.
J'ai alors remis en question la raison-même pour laquelle je fais du théâtre. Le théâtre n'a aucun impact sur les législateurs qui rédigent les lois sur l'immigration ni sur les agents chargés de les appliquer. Alors pourquoi ? Pourquoi consacrons-nous notre temps à cette vaine tentative ? Qu'espérons-nous accomplir ? Lorsque l'artiste se retrouve dans la même situation (mais pas identique) que ses personnages, le sens se transforme, et le besoin de traiter le problème autrement se fait sentir. En Transit est le résultat de toutes ces interrogations.
Amir Reza Koohestani
8, boulevard Berthier 75017 Paris
Entrée du public : angle de la rue André Suarès et du Bd Berthier.