Marion Camy-Palou est musicienne et metteure en scène.
Ses performances s’apparentent à des concerts mélangeant compositions musicales, danses et sections narratives. Si le média principal demeure la musique, la recherche dramaturgique s’oriente vers des formes narratives multiples avec un objectif, porter le spectateur dans un voyage visuel et musical. Performant en solo sur des bandes sons composées en amont, elle chante et danse dans un style musical emprunté à la minimal wave et la synth pop. Lorsque Marion Camy-Palou s’adresse au public, elle utilise une adresse directe en empruntant des codes au stand up : elle évoque des rencontres, décrit de paysages, raconte des histoires vraies, fantasme aussi un peu.
Fantascienza est un opéra électronique qui raconte le voyage de l’auteure dans une ville fantôme. Elle parcourt la ville à pied, traverse les quartiers, disparaît sous les décombres, plonge dans un piscine, enjambe des cadavres, danse dans un club, elle se réveillera face à la mer. Seule en scène, micro en main, Marion Camy-Palou livre sous la forme d’un concert dansé le récit de sa déambulation.
Elle collabore ici avec Charlotte Boisselier, musicienne, Louise Nicollon des Abbayes, metteure en scène et Maeva Cunci, chorégraphe, pour produire un show où vacillent techno hypnotique, guitare noise, et synth wave, porté par des textes minimalistes en français. Le dispositif scénique de Fantascienza allie musique, théâtre et mouvement. Charlotte Boisselier apporte son soutien technique, contribuant au mixage, à la production sonore des morceaux et jouant les musiques en direct pendant le spectacle. Louise Nicollon Des Abbayes et Maeva Cunci réalisent la mise en espace de la pièce, et un travail chorégraphique qui se base principalement sur la notion de marche et de déambulation. Il s’agit aussi, par endroit, de danser pour le plaisir, comme font la plupart des groupes pendant les concerts.
Marion Camy-Palou est une artiste qui suit son propre chemin à la croisée de tous les arts, et qui est aussi productrice de musique indépendante avec son label Mutantine records. Son spectacle Fantascienza, donné récemment à la Loge, mêlant danse, musique, théâtre est une invitation contemporaine au voyage. Le spectacle donne la sensation d’assister à une errance hypnotique et libre qui peu à peu gagne notre imaginaire. Comment cette jeune artiste multitalentueuse a-t-elle conçu cet étrange poème ? D’où tire-t’elle ses images ? Inferno, Pourquoi avoir travaillé sur la ville ?
Parce que c’est là que j’habite. J’aime la ville, c’est intense, rapide, un peu oppressant, un peu planqué. Je me promène pas mal, beaucoup même en vélo, dans Paris, autour de Paris. C’est un décor inspirant, qui peut supporter toute possibilité de scénario.
Qu’est-ce qui pour toi est nécessaire de raconter sur ce sujet ?
Au départ ce que je voulais c’était écrire un opéra électronique. Proposer un voyage musical. Je ne savais pas trop où situer l’action. L’histoire s’est inventée au fil des résidences parce que j’ai raconté, tout en imaginant une partie, ce que je voyais et j’étais la plupart du temps seule dans des lieux un peu fantomatiques. Alors la pièce raconte ça, explorer une ville inconnue, habiter un nouvel espace, vivre un quotidien solitaire dans des lieux étranges. Au final dans mon histoire j’ai enlevé les gens, il n y a plus personne autour, donc je parle aussi, de manière légère, de l’isolement, la solitude que peut conférer une ville, et peut être aussi en demi teinte, la préparation d’un projet artistique.
Dirais-tu que tu racontes quelque chose ?
Oui oui je raconte un voyage. Et l’idée est bien de raconter une histoire, par la musique, et le texte, et tenter de faire surgir des images, des souvenirs, dans l’imaginaire du spectateur.
Peut-on parler de récit ou alors inventer un autre mot ? Si oui quel serait cet autre mot ?
Oui on peut parler d’un récit. Un conte. Un carnet de voyage. Louise parle d’une évocation. On dirait que tes gestes sont à la fois précis et ouverts.
Comment as tu conçu ta gestuelle ?
Avec Louise Nicollon des Abbayes, avec qui on a conçu la structure de la pièce et la mise en scène, on a imaginé des situations spatiales et corporelles assez simples pour chaque tableau, et il y a des gestuelles qui sont survenues pendant les répétitions. On a également et surtout travaillé sur la marche. Et puis Maeva Cunci, qui est danseuse, est venue m’ aider, à préciser les gestes, à poser les appuis, à inventer de nouvelles variations sur cette idée de marche. On essaye d’illustrer les situations un minimum par le corps, sans tomber dans quelques chose de trop formel, ou dans la danse contemporaine, vu que ce n’est pas le sujet, la danse, et que je ne suis pas danseuse. Sur scène, on voit quelqu’un qui mêle trois arts différents : le théâtre, la danse, la musique. Sans donner l’impression d’être spécialiste dans aucun des trois domaines, tu réussis pourtant à donner l’impression d’une grande cohérence et d’une « maîtrise souple » de l’ensemble.
Quel est ton rapport à ces trois arts ? Comment les as-tu pensés dans le cadre de ce projet ?
En musique, j’écris et joue des morceaux en solo. Je fais des concerts, avec la plupart du temps, des bandes sons que je prépare à l’avance, que je balance en live, et puis je chante dessus avec un micro, et dansant, service minimum très 80’s. Pour ce projet, Charlotte m’a aidé sur les mixes et quelques arrangements , et elle joue les musiques en direct pendant le spectacle. L’idée du projet était d’élargir la forme concert, à un plateau de theatre. Je bosse moi même comme metteur en scène. Ce que j aime précisément au théâtre, ce sont les formes un peu performatives, les mises en scènes hyper dénudées, minimalistes et un jeu naturel non théâtral. On est donc resté dans ce créneau là. Coté danse, là il s’agit surtout de danser pour le plaisir, comme font la plupart des groupes pendant les concerts, je n’ai jamais fait de danse, et je fais un peu toujours la même chose, comme toute le monde, on a tous sa manière de bouger, et sur ce point là Louise et Maeva m’ont aidé à diversifier les gestes.
Fantascienza est-il un spectacle ? Ou préférerais-tu une autre définition ?
On m’ a dit que c’était un « Show un peu cheap », j’aime bien. Sinon je dis qu’on a créé un petit opéra électronique. Ça marche aussi. Il y a une histoire, et de la musique électronique.
Pourquoi avoir choisi d’appeler ce projet Fantascienza ?
Fantascienza signifie Science Fiction en Italien. C’était un titre de travail au départ. Je voulais planter l’ histoire dans un espace urbain, fantomatique, postcatastrophe, je pensais aux films d’Antonioni « l’Avventura », le désert rouge, et à un livre d’Arnaud Schmidt, Miroir noirs, qui m’a beaucoup inspirée au départ.
Propos recueillis par Willy Boy
1 rue Charles Garnier 93400 Saint-Ouen