Deux pièces étonnantes, trop rarement jouées (en fait, jamais), composent ce spectacle. La provinciale est une comédie. Félicie, une féerie, un conte de fées, une uvre morale d'éducation. La provinciale est aussi une pièce d'éducation, mais l'éducation dont il s'agit ici est le libertinage, un libertinage hardi.
"Une jeune veuve provinciale, une héroïne dont l'intelligence pétille, va vivre
une grande histoire d'amour avec le Chevalier de la Trigaudière. Un roué qui connaît
les usages." Son libertinage le rend illustre, en fait un héros qu'on est curieux de
voir. On se le montre en spectacle. Où est-il ? se dit on. Le voilà ! C'est lui le
fameux violeur de l'ordre ! "Une femme d'intrigues, une somptueuse libertine,
l'admirable Madame Lépine, dont on dit: "Quelle succession de mouvements libertins
n'a-t-il pas fallu pour aguerrir son âme, pour la familiariser avec l'idée du crime
!", mettra le piment qu'il faut dans cette idylle.
La manipulation des sentiments de la jeune veuve par la belle Madame Lépine et ses
subtils complices sera exemplaire et impitoyable. Pauvre Félicie !
Tel est le Monde Vrai, dit Marivaux où "il y a deux sortes d'ambition. Celle
d'amasser du bien, celle d'amasser des honneurs (entendez, du pouvoir, pas des
médailles). Il y a des gens qui n'ont que la première, d'autres que la seconde, d'autres
qui ont les deux. Les premiers n'ont point d'âme, les seconds sont des superbes qui en
ont trop. Les premiers sont toujours en danger d'être fripons et le sont souvent, les
seconds, quoi que généreux, sont toujours en danger d'être méchants et le sont quand
il faut. Les troisièmes ne méritent pas qu'on les remarque. Ils n'ont pas assez de force
pour être méchants ni assez d'avarice pour être fripons. Tel était le jugement de
Marivaux sur la société du XVllle siècle. " Roger Planchon.
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