Comédie bastiaise
Note de mise en scène
En quelques mois, une bande de joueurs prêtés par d’autres clubs et des joueurs corses - une quinzaine de chevelus mal rasés, tous très jeunes ou presque trop vieux - avait conduit, au fil d’une épopée invraisemblable, le Sporting de Bastia aux sommets du football européen et plongé toute l’île dans une ferveur proche du délire.
Le matin de ce jour-là, le soleil s’est levé dans un ciel aux couleurs du club et d’une ville en liesse : bleu azur et nuages blancs. C’est vers midi que le temps a changé. Mistral, gros nuages, trombes d’eau. Très vite, la pelouse du stade de Furiani se transforme en champ de boue. On réquisitionne l’armée, les pompiers et des volontaires pour éponger, écoper, avec des balais, des seaux, des sacs de sciure et de sable. En fin d’après-midi, les milliers de spectateurs entassés dans le stade depuis midi sont trempés et transis. On teste la pelouse, elle est impraticable.
Cependant, pour des raisons assez mystérieuses, le match se joue et se solde par un score vierge : 0 à 0. Et on raconte encore aujourd’hui que quinze jours plus tard, dans les vestiaires du stade d’Eindhoven, juste avant le match retour, les joueurs de Bastia se battent entre eux, prennent trois buts sans en marquer et repartent illico vers d’autres aventures aux quatre coins de la France et de l’Europe.
Peu avant ce jour, Gilbert Trigano - alors propriétaire du club corse - invite son ami le cinéaste Jacques Tati à venir filmer la rencontre. Tati vient, se promène dans tout Bastia du petit matin jusqu’au milieu de la nuit, capte ce qu’il voit et en fait un film d’une trentaine de minutes : Forza Bastia. La vision de ce film il y a quelques années et cette journée que j’ai passée à l’âge de dix-sept ans dans les tribunes de midi à minuit sont probablement à l’origine de l’écriture de cette pièce.
Noël Casale
Vingt neuf ans plus tard, Noël Casale empreint de ces images et du souvenir de sa journée dans les tribunes, nous immerge dans ces heures mémorables avec Annonciade, Jean-Jojo, Jean-Fleur, Jicky, Le Facteur, Fortunée, Tino et Laurent Rossi, Charles Orlanducci, Un Journaliste sportif, Rita, Jules César, Mimi Le Pouilleux […] et un couple d'ours blancs.
“S'il n’avait pas plu dans la nuit du 17 au 18 juin 1815, l’avenir de l’Europe était changé. Quelques gouttes d’eau de pluie de plus ou de moins ont fait pencher Napoléon. Pour que Waterloo fût la fin d’Austerlitz, la providence n’a eu besoin que d’un peu de pluie et un nuage traversant le ciel à contresens de la saison a suffi pour l’écroulement d’un monde .” Victor Hugo, Les Misérables
La première partie de Forza Bastia est publiée dans le N°31 de la Revue Littéraire des éditions Léo Scheer, Paris juillet 2007.
Encore en cours d'écriture de Forza Bastia, une pièce avec vingt trois personnages, un auteur vient se préparer pour une lecture publique des premiers actes de cette pièce dans un théâtre qu'il ne connaît pas. Il entre seul sur la scène avec son pupitre afin de répéter. Un régisseur et une jeune femme qui semblent habiter ce théâtre l'accueillent en silence. Sont-ils des personnages de la pièce déguisés en régisseurs ? Sont-ils ses personnages qui l'attendent ? Il semble se poser la question.
En tout cas, en pleine répétition, en plein effort solitaire, au milieu de la seconde scène interprétée avec feu par l'auteur, surgit un quatrième acteur… qui lui, est bel et bien un personnage emblématique de Forza Bastia : le facteur !
Ce facteur violoncelliste initie un dialogue vocal et musical avec l'auteur. Et celui-ci, d'abord surpris, joue le jeu… Ainsi la pièce avance, sous le regard des deux régisseurs… Mais au gré des différentes péripéties inhérentes au déroulement de la folle journée bastiaise que raconte la pièce, l'auteur se retire, exténué… Les régisseurs s'emparent alors des scènes suivantes et d'une manière d'autant plus stupéfiante qu'ils donnent vie, non seulement à deux personnages, mais à toute la pièce ; celle-ci trouve sa réalité et sa vérité.
L'auteur étant revenu à lui, il se déroule alors un étrange ballet à quatre où, dans les murs nus du théâtre et l'agrément d'un décor léger dont on se dit qu'il est sans doute celui d'un autre spectacle - quel est ce cercle au sol ? … et ses rideaux de perle au lointain ? … le dernier acte de Forza Bastia s'écrit en direct…
Pascal Omhovère
Paris, le 30 mai 2007
59, avenue du Général de Gaulle 93170 Bagnolet
Voiture : Porte de Bagnolet, à 300 m direction Bagnolet/Montreuil