Un conte populaire de tous les temps
Dandin à la plage : entretien avec Marcel Maréchal
La presse
George Dandin n’a pas d’époque, tant est jeune l’écriture de Molière. Les personnages de ce fabliau joyeux n’ont pas pris une ride. Pas besoin de remonter dans le temps pour les comprendre. George Dandin est la pièce d’un jeune auteur qui parle d’aujourd’hui dans une langue simple et drue, éblouissante de jeunesse, de rapidité et d’ironie.
J’ai rêvé d’un George Dandin inhabituel. Je l’ai imaginé au bord de la mer, l’été, sur une plage, autour d’une de ces cabines de bain des années 30 comme en en voit dans les films de Mack Sennett. Les années folles. On sait comment ça finira. Mais pour l’heure il fait beau, on rit et le ciel est bleu. Autour de Dandin, paysan pris au piège d’un mariage d’argent, lourdement habillé à l’ancienne mode, les corps jeunes et riches se dénudent, flirtent sans pudeur et annoncent un monde où la femme, où l’amour seront libérés de toute entrave et où les Dandin d’hier et d’aujourd’hui n’auront plus leur part.
Marcel Maréchal
Francois Bourgeat : Il y a trois ans, vous mettiez en scène et jouiez sous le chapiteau L' Ecole des femmes, plaçant d'emblée votre nouvelle aventure aux Tréteaux de France sous le signe de Molière. Aujourd'hui, vous revenez à lui. Pourquoi ?
Marcel Maréchal : Molière est bien plus qu'un compagnon de route dont je sens près de moi la présence amicale, vivante. C'est un formidable inspirateur. Un grand frère auquel l'acteur et chef de troupe que je suis peut demander conseil dans les moments difficiles. Il y a la troupe, bien sûr, son talent, sa chaleur, son enthousiasme. Il y a le public des Tréteaux, formidable, jamais blasé. Mais il y a la solitude aussi, parfois. Normale, inéluctable. Molière alors est là. Il écoute. Il répond. Il est pour moi la référence absolue pour ce théâtre que j'aime, défends, un théâtre de poète qui ouvre les portes au lieu de les fermer et joue sans cesse sur le fil magique tendu entre tragique et grotesque. C'est pourquoi il est bon de revenir à lui de temps à autre, comme aux sources d'un art qui, finalement, ne m'intéresse que lorsqu'il touche à l'universel.
Francois Bourgeat : Après Le Malade imaginaire, Les Fourberies de Scapin, Dom Juan, Le Tartuffe et L'Ecole des femmes, c'est donc George Dandin que vous allez mettre en scène. Pourquoi ce choix d'une pièce réputée comme étant la plus noire de Molière ?
Marcel Maréchal : Noire... Je ne suis pas d'accord. C'est ne voir "qu'un côté du monde", comme dirait Puntila. Je sais bien que la plupart des mises en scène de George Dandin, dès le XIXe siècle et jusqu'aux tentatives les plus récentes, ont privilégié le versant dramatique de la pièce, poussant au noir, au mortifère même, l'histoire de ce riche paysan en butte à une double mésalliance. Mésalliance amoureuse puisqu'Angélique, la jeune et jolie femme qu'il a épousée (ou plutôt "achetée") se refuse à lui et se laisse séduire par un Don Juan de la ville. Mésalliance sociale puisque ce mariage arrangé qui a fait entrer Dandin dans une famille de petits nobles ruinés ne lui rapportera en fin de compte que mépris et railleries. On ne change pas de classe impunément. George Dandin sera devenu George de la Dandinière ! C'est tout ce qu'il aura gagné ! Battu, tourné en ridicule, il ne peut ni se séparer de sa femme, ça ne se fait pas, ni divorcer. Ne lui reste, à la fin, qu'à "se jeter dans l'eau la tête la première" ! ... Moi, quand j'entends ça, je pense à Charlot et je le vois se précipiter la tête la première... dans le baquet ! Car je n'oublie pas que George Dandin est d'abord une farce, un conte populaire, écrit d'une main joyeuse et rapide.
Francois Bourgeat : La pièce en effet a été écrite très vite, à partir d'une ancienne pièce, La Jalousie du Barbouilé. C'était une commande du roi pour le théâtre de verdure de Versailles où il avait décidé - on est en juillet 1668 - d'offrir un grand divertissement à l'occasion de la conquête de Franche-Comté. A la pièce se mêlaient des ballets et des chants dont Molière avait composé les paroles et Lulli la musique. Bergers et bergères chantaient les douceurs de l'amour - "Chantons tous de l'Amour le pouvoir adorable"...-, ce qui faisait comiquement contraste avec les malheurs de ce pauvre Dandin. Trois mille personnes assistèrent, éblouies, à cette fête de plein air... ?
Marcel Maréchal : C'est important en effet de rappeler cela. De remettre la pièce dans le contexte de divertissement qui a été celui de sa création. Notre spectacle devra se nourrir de cet esprit de fête. De cette ambiance musicale. Cela dit, oublions Versailles et le roi ! Pour moi, George Dandin n'a pas d'époque, tant est jeune l'écriture de Molière. Les personnages de George Dandin sont d'aujourd'hui comme d'hier. Ils n'ont pas pris une ride. Pas besoin de remonter dans le temps, de reconstituer le passé pour les comprendre. Pas besoin de faire de l'archéologie. George Dandin n'est pas un vieux texte desséché dans les pages d'un livre scolaire. C'est comme une pièce inédite qui serait arrivée sur ma table hier. La pièce d'un jeune auteur qui parle d'aujourd'hui, qui parle de nous dans une langue éblouissante de jeunesse, de rapidité et d'ironie joyeuse. Un conte populaire, je l'ai dit, un fabliau joyeux, et comme tel valable pour tous les temps, pour tous les hommes.
Francois Bourgeat : Est-ce que vous avez déjà une petite idée de la façon dont vous allez mettre en scène ce nouveau George Dandin ?
Marcel Maréchal : C'est encore un peu tôt. Des intuitions, peut-être. Mais qui rejoignent ce que nous venons de dire. L'époque de la création, par exemple. On est en été. Il fait chaud. C'est le temps des vacances... Alors parfois je rêve d'un Dandin en villégiature, d'un George Dandin qui ne se passerait plus dans les cours de ferme et l'odeur du purin mais au bord de la mer, l'été, sur une plage, autour d'une de ces cabines de bain du début du siècle comme on en voit dans les films de Mack Sennett... C'est une idée. On verra si elle tiendra jusqu'au bout... En tout cas, le choix de l'époque me semble juste. Les années folles. Celles de Becque. Le temps où la bourgeoisie se fait la plus arrogante. On sait comment ça finira. Dans les charniers de la Somme. Mais pour l'heure il fait beau et le ciel est bleu. Autour de Dandin, maladroit et lourdement habillé, les corps jeunes et riches se libèrent, se dénudent, flirtent, chantent, sensualité, désir, vacances...
Marcel Maréchal, décembre 2003
« Un spectacle inventif, léger, divertissant. » La Marseillaise
« Une mise en scène originale. » Le Jour ( Belgique)
« Un spectacle drôle et touchant, accessible à tous les
publics. » La Dépêche du Midi
« On admire le jeu tout en finesse d’un Marcel Maréchal
impérial. » La Voix du Nord
20, avenue Marc Sangnier 75014 Paris