Présentation
Giulio Cesare ou l'Empire rhétorique
Après son premier contact avec le public parisien à l'occasion de Genesi
et du Combattimento, nous tenions à ce que la Socìetas
Rafaello Sanzio puisse revenir dans nos murs. Présenté au Festival d'Avignon, où il
suscita des polémiques mémorables, Giulio Cesare donne à voir
la recherche de la Socìetas dans sa brutalité la plus radicale. Le travail corporel et
vocal s'y mue en autopsie des rouages organiques où se rejoignent la parole et la chair.
La voix y est traquée jusqu'au fond des gorges, sabotée ou déformée par inhalation
d'hélium, mimée par des machines. Orphelins du grand style oratoire, des corps comme
expropriés de leurs noms - Cicéron devient un obèse instrument à cordes, Brutus une
femme squelettique - errent dans un monde déorbité par le meurtre de César.
Giulio Cesare (en italien, surtitré)
La rhétorique a été la seule pratique (avec la grammaire, née après
elle) à travers laquelle notre société a reconnu son langage et sa souveraineté. Elle
s'est imposée au delà des idéologies qui se succédaient, telle une idéologie
supérieure de la forme. Le pouvoir apparaît comme tel seulement là où il se revêt de
la force du verbe. Du verbe rhétorique. L'envoûtement de la rhétorique :
l'éléphantiasique levain de la parole vide. Persuasion qui, sans souci de l'objet, n'a
rien d'autre en vue que son propre effet d'art. Art en tant que contrôle, là où la
forme de l'amphithéâtre grec se superpose à celle, en tout similaire, du sénat. La
rhétorique prend-elle fin là où commence le théâtre? Le théâtre commence là où
commence la rhétorique, peut-être. La rhétorique accepte et révèle la corruption du
théâtre ; elle porte sur le théâtre un regard impie, scabreux ; elle en exalte le vrai
visage, qui est, précisément, celui de la fiction, de la corruption.
Outre le texte de Shakespeare, il y a les historiens latins : Suétone, Cornélius Nepos,
Tacite, Dion Cassius, Appien, Salluste et Jules César lui-même. Il y a les écrits des
rhétoriciens : Cicéron, Quintilien. Et puis la source du poète : Les Vies des hommes
illustres, de Plutarque. Et le dernier cercle de Dante (...).
Extraits des notes de Romeo Castellucci
Place de l'Odéon 75006 Paris