" Cest arrivé contre toute prévision... Cest arrivé, cela peut donc arriver de nouveau : tel est le noyau de ce que nous avons à dire. Cela peut se passer, et partout. " Primo Lévi
Le titre de cette création pourrait être : De lusage sacrilège qui est fait non accidentellement mais méthodiquement du corps humain considéré comme un objet nappartenant à personne, dont on peut disposer arbitrairement.
La pièce chorégraphique Häftling - (détenu) traite du projet génocidaire et surtout de son processus. Dans le projet génocidaire, il y a la mise en place dun acte de déconstruction, de destruction à rebours de ce par quoi se constitue un sujet humain vivant : traces culturelles, corps, identité, possibilité de deuil et transmission. Le propre de lacte génocidaire, cest la déshumanisation des corps, la destruction, leffacement, la perte de tout représentant de lautre en son lien généalogique ; perte qui produit un vide au lieu de la transmission. Se débarrasser, se défaire, éradiquer, épurer. Un processus à but unique : lextermination comme organisation de la disparition de lhumain et de sa mémoire. - Häftling - sorganise comme une architecture de la disparition suivant une structure implacable et programmée ; une situation où toute existence est convertie en énergie et tout individu réduit à nêtre quune pièce du dispositif, une parcelle de volonté, un rouage de la turbine.
- Häftling - voudrait poser la question de limagination du présent dans le champ politique. Que se passe-t-il ici ? A quoi avons-nous à faire là ? Comment caractériser ce qui est en train de se passer ? Comment avoir lidée de ce que lon nimagine pas ? Quels mécanismes font quon ne peut voir ce quindubitablement on a sous les yeux ? Comment voir aujourdhui ce qui sest passé se passer encore ? Pourquoi lévidence de lhistoire présente, celle qui arrive en temps réel, est-elle opaque ? Existerait-il une cécité à lévénement pourtant visible ? Serait-ce le produit dun mensonge politique ?
Camps de travail, camps dinternement, camps de rééducation, camps de transit, de réfugiés, camps de concentration, centre de regroupement des personnes déplacées ; nettoyage social, épuration ethnique, éradication, solution terminale... Comment parler des camps maintenant ? Peut-on penser les génocides aujourdhui ? Parler, penser, est-ce ici conserver une mémoire si critique quelle serait responsable ? Par quelle immense violence symbolique le camp, le génocide, le massacre de masse sont-ils devenus notre paysage culturel, nos signes, nos objets médiatiques, scientifiques ?
Le camp " immense gouffre damnésie et deffacement ".
16, rue Georgette Agutte 75018 Paris