Le chef-d’œuvre de Shakespeare.
Les sources de la pièce et la date même de son écriture sont controversées ; il en existe par ailleurs plusieurs versions. Il est cependant raisonnable de croire que Shakespeare remanie une pièce préexistante (de Kyd) dans les dernières années du seizième siècle et rédige définitivement son œuvre en 1601. Hamlet est déposé en 1602 au Registre de la Librairie et publié in-quarto en 1603.
Hamlet, père de Hamlet, roi de Danemark, a été tué par son frère, Claudius qui dépossède son neveu de ses droits à la couronne et épouse Gertrude, la reine, mère d’Hamlet, immédiatement après les funérailles de son premier mari. Un spectre apparaît, de nuit, sur la terrasse du château d’Elseneur : c’est Hamlet père qui vient révéler toute l’affaire à son fils et qui lui impose un triple devoir de vengeance - du meurtre, de l’usurpation et de l’adultère.
Le prince connaît alors la douleur de profondes affres morales, et sa raison sombre. Il tombe dans la folie ; mais cette folie est-elle feinte ou authentique, produit d’une ruse ou de sa mélancolie naturelle aggravée par la double horreur de l’apparition et de la révélation ? Dès lors, l’histoire se déroule dans une atmosphère de secret. Tous le surveillent, tous l’espionnent, tous le trahissent : Polonius, le conseiller du roi, met sa folie sur le compte d’une passion trop violente pour Ophélie, sa fille ; Ophélie, manipulée par son père et le roi, refuse de le voir ; sa mère, qui est peut-être innocente de la mort de son premier mari ; Rosencrantz et Guildenstern, ses camarades de jeunesse, tous lui veulent du mal - sauf le fidèle Horatio, l’ami, le compagnon d’études, le philosophe.
Des acteurs itinérants arrivent dans ce monde clos : soucieux de confirmer la véracité des dires du spectre, Hamlet, qui ne peut agir faute de certitude, conçoit une mise en scène à laquelle assiste la cour. Ainsi les comédiens exécutent-ils une pantomime qui donne à voir la culpabilité de Claudius. Claudius se trahit, et Hamlet se retrouve justifié de perpétrer la vengeance. Mais au lieu de tuer Claudius au moment opportun, il tue par erreur le père d’Ophélie, qui l’épiait dans la chambre de la reine, où Hamlet voulait faire avouer sa faute à sa mère. Hamlet, paralysé dans son désir de vengeance, est envoyé en Angleterre par le roi pour y être assassiné. La folie feinte et les rêveries suicidaires du prince se réalisent dans la folie réelle et dans le suicide d’Ophélie. Hamlet rentre d’Angleterre, et il est confronté à Laerte, le frère d’Ophélie, qui, de retour de France, veut venger la mort de son père et la folie de sa sœur et accepte d’entrer dans un stratagème de Claudius, pour tuer Hamlet.
Dans le cimetière, un fossoyeur creuse la tombe d’Ophélie : Hamlet ne joue plus de rôle et tient dans ses mains le crâne de Yorick, le fou du roi. Il sait que désormais « tout est silence » : dans le duel qui oppose Hamlet à Laerte, les pièges tendus par le roi et destinés à Hamlet tuent d’abord Laerte et Gertrude avant qu’Hamlet, blessé à mort, ne tue l’usurpateur.
Jean-Luc Jeener n’a pas de vision d’Hamlet, mais il a une vision du théâtre. L’enjeu était ici pour lui de dépasser, c’est-à-dire d’ignorer comme autant d’obstacles toutes les visions, toutes les interprétations d’Hamlet, pour revenir à Hamlet même et à sa vérité dont il refuse qu’elle puisse être décidée d’avance - par exemple jamais il n’envisage de décrire la vie d’Hamlet avant et hors de l’espace de la pièce ; le reconstituer, ce serait tomber dans l’illusion et les miroitements du théâtre et de la vie. Avec toute la tradition interprétative qui recouvre la pièce en voulant l’éclairer, il se retrouve devant un défi majeur, celui de la vérification de sa méthode et de ses convictions sur le théâtre incarné : ce qui se passe dans Hamlet ne se passe que dans Hamlet, c’est-à-dire sur scène, dans et par l’incarnation des comédiens. Le plus difficile de son travail a été de faire cette table rase nécessaire, chez les comédiens et en lui-même pour laisser parler les corps et les mots. Certain de ce que l’incarnation des comédiens fait vivre les personnages plus que leurs propos - qui peuvent être parfois ceux de l’auteur ou qui du moins paraissent parfois obscurs aux spectateurs contemporains éloignés du contexte de l’époque - il a délibérément effectué de nombreuses coupures et choisi de proposer une traduction nouvelle de la pièce, qui soit fidèle à l’esprit de Shakespeare plus qu’à la lettre ; on sait d’ailleurs qu’il existe plusieurs versions d’Hamlet, sans doute en fonction des circonstances de la représentation, de telle sorte que l’attachement à tel texte, comme intangible relève à ses yeux du fétichisme, et en tout cas d’une démarche qui privilégie la littérature au détriment du théâtre. Ainsi, y compris lorsqu’il modifie la trame de la pantomime, il ne croit pas être infidèle au comédien Shakespeare. Dans sa mise en scène, inventée en fonction de la matérialité de l’espace de la salle du Nord Ouest, qui invite à explorer la dimension la plus intime de la tragédie, dans la vérité même des personnages écrasés par la fatalité du péché, le texte se tait parfois, et ce sont les comédiens qui trouvent en eux et révèlent les dimensions de Shakespeare qui ont tant troublé le bon goût classique : la violence, les ruptures de ton, la bouffonnerie, l’incertitude. La contagion du doute va si loin que c’est un seul et même comédien qui joue le spectre et le fossoyeur. Les thèmes habituellement reconnus à la pièce (la quête de l’identité, l’oedipe, l’inceste, la folie, le suicide, etc.) sont vécus et échappent au discours ; c’est au spectateur à se constituer sa propre vision et à achever en quelque sorte la pièce. Son travail est une quête du sens, et non pas la recherche d’une stylisation esthétisante, comme le montre le discernement des accessoires nécessaires, pris au sérieux : le livre, les crânes, les épées, bien réels, révélateurs de l’ambiguïté proprement tragique d’Hamlet, tout à la fois jouisseur et pécheur, conduit au meurtre pour être trop lucide, pour avoir trop raison dans un monde allant pire, pour avoir trop joué avec le masque qu’il porte. Oui, c’est bien pour Hamlet qu’il a voulu organiser le cycle « Théâtre, miroir du monde ».
Sylvie Taussig, assistante à la mise en scène
Quel grand moment de joie ! Les acteurs et la mise en scène sont absolument fabuleux. Cette salle tout à fait particulière (sans décors et très exiguë) et le jeu des acteurs permet au spectateur de participer intimement à la représentation. Si la promiscuité peut déranger aux premiers instants, on est très vite pris au jeu. On oublie presque que l'on se trouve dans un théâtre. La mise en scène de Jean-Luc Jeener est vraiment formidable. C'est comme si l'on participait activement aux différentes situations. On "vit" la pièce. Emmanuel Dechartre est un Hamlet extraordinaire. Quelle prestation ! Pour résumer, j'ai beaucoup aimé ! Xavier Riou Ps: attention à l'entracte cependant. Après cette dernière, je me suis retrouvé derrière un poteau ! Argh !
Quel grand moment de joie ! Les acteurs et la mise en scène sont absolument fabuleux. Cette salle tout à fait particulière (sans décors et très exiguë) et le jeu des acteurs permet au spectateur de participer intimement à la représentation. Si la promiscuité peut déranger aux premiers instants, on est très vite pris au jeu. On oublie presque que l'on se trouve dans un théâtre. La mise en scène de Jean-Luc Jeener est vraiment formidable. C'est comme si l'on participait activement aux différentes situations. On "vit" la pièce. Emmanuel Dechartre est un Hamlet extraordinaire. Quelle prestation ! Pour résumer, j'ai beaucoup aimé ! Xavier Riou Ps: attention à l'entracte cependant. Après cette dernière, je me suis retrouvé derrière un poteau ! Argh !
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