Molière 2005 de la meilleure comédienne dans un second rôle : Nora Krief
Une pièce de flamme et d’acier. Avec elle, Ibsen apporte une contribution décisive à la fondation du drame moderne. Il y invente un rôle de femme qui compte parmi les plus aboutis et les plus profondément théâtraux du répertoire : le portrait d’Hedda tel qu’Ibsen le propose n’est pas le compte-rendu d’une enquête parvenue à sa conclusion, mais tout au contraire la première étape d’une recherche qui ne peut s’achever qu’en scène.
La mécanique de ce chef-d’œuvre est aussi précise, aussi implacablement agencée que celle d’une arme. L’exposition, directe et presque brutale, va droit aux données essentielles : de retour d’un voyage de noces qui s’est prolongé plusieurs mois, un jeune couple fait son arrivée dans la splendide villa qui lui servira de foyer. Si la villa a été richement aménagée et meublée, c’est qu’il faut qu’elle soit digne de la fille du Général Gabler. Si le voyage a duré si longtemps, c’est que Jorgen Tesman, son époux, avait à conduire dans diverses bibliothèques européennes d’importantes recherches dans la perspective de sa candidature à un poste de professeur titulaire. Si cette chaire revêt une telle importance à ses yeux, c’est qu’il doit absolument pouvoir compter sur son traitement afin de régler les dettes contractées pour financer la luxueuse villa.
A ce mouvement inexorable de remontée depuis les riantes apparences bourgeoises jusqu’à la réalité crue qui leur sert de condition s’ajoute le dévoilement d’arrière-plans que l’on sent chargés de non-dits, de menaces, d’inquiétudes : comment Hedda Tesman s’est-elle accommodée de cette confusion entre voyage d’études et voyage de noces, comment a-t-elle pu la supporter, à quoi donc a-t-elle occupé toutes ces journées de solitude à l’étranger ? Et quand elle refuse de répondre à la vieille tante de Jorgen, qui cherche à savoir si la famille ne va pas bientôt s’agrandir, pourquoi le fait-elle avec tant de brusquerie et d’amertume ?
Chaque information se double ainsi d’une interrogation qui entraîne le spectateur plus loin, vers des profondeurs énigmatiques où l’on sent poindre à certains indices, sous la froideur des convenances, les soubresauts de vies trop empêchées, des orgueils pareils à des soifs, des exigences qui finissent par retourner leur rigueur contre soi plutôt que d’accepter le moindre compromis avec la médiocrité du monde. Et ces énigmes, ces indices, gravitent autour d’un centre vénéneux qui tient sous sa fascination obscure les personnages, le public et sans doute l’auteur lui-même : qui est Hedda ? Que veut-elle ? D’où vient ce vertige de destruction qui l’habite, ce besoin d’« avoir le pouvoir sur une destinée humaine » ? Et jusqu’où la conduira-t-il ?
D’Electre à Phèdre, en passant par Les Trois soeurs et bientôt Penthésilée, Eric Lacascade a toujours été attiré dans son travail par la nuance de trouble, de scandale et de danger qu’ouvrent en scène les grandes figures de la féminité. De son côté, Isabelle Huppert souhaitait travailler avec lui depuis qu’elle avait vu sa mise en scène de La Mouette en Avignon. Voilà donc plus de trois ans que le directeur du Centre Dramatique National de Normandie réfléchissait à un projet commun, songeant tantôt à une création où Huppert aurait été seule en scène, tantôt à une pièce conçue autour du personnage qu’elle incarnerait.
Un jour, il relut l’histoire de la fille du Général Gabler, cette lointaine cousine nordique d’Emma Bovary, rentrée de l’étranger pour réprimer ce qui lui resterait de vie au sein d’une villa-tombeau. Faut-il l’appeler Hedda Tesman ? Mais tout en elle proclame silencieusement l’horreur de porter ce nom-là, d’être épouse et peut-être bientôt mère : autant de destins obligés qui l’ennuient, l’entravent, l’étranglent. Hedda Gabler, donc ? Tel est bien le nom dont la saluent les autres hommes quand ils la retrouvent dans l’intimité. Du moins s’il faut appeler « intimité » la simple absence du mari. Et l’adultère, dans sa trivialité, n’est-il pas à son tour une destinée trop vulgaire, trop prévisible - une figure trop imposée ? A mesure que Lacascade redécouvrait la vie si durement aliénée, la frustration brûlante de cette femme, il lui apparut comme une évidence qu’il tenait là l’œuvre tant cherchée. Cette Hedda immobile au centre de sa petite société, prise au piège de sa stérile solitude, était un rôle destiné à Isabelle Huppert.
Après sa mémorable Médée, la grande actrice va donc retrouver l’Odéon. Elle y incarnera à nouveau, mais dans un registre d’étrangeté plus proche de la banalité de nos vies que du grand rituel grec, l’énergie mortifère de désirs qui se déchirent faute de mieux, pour au moins se sentir saigner.
oui, et bien je n'ai pas été emballée, comme il est dit d'ailleurs dans la critique, Hedda ressemble beaucoup à Emma, et à d'autres. Rien de bien nouveau ni d'original, en somme ! Très bons acteurs dans l'ensemble, surtout le conseiller et Lovborg. J'ai retrouvé chez Isabelle Huppert tous ses tics habituels, mais elle joue bien. En plus, la pièce dure 3 heures, sans que cela soit spécialement justifié.
oui, et bien je n'ai pas été emballée, comme il est dit d'ailleurs dans la critique, Hedda ressemble beaucoup à Emma, et à d'autres. Rien de bien nouveau ni d'original, en somme ! Très bons acteurs dans l'ensemble, surtout le conseiller et Lovborg. J'ai retrouvé chez Isabelle Huppert tous ses tics habituels, mais elle joue bien. En plus, la pièce dure 3 heures, sans que cela soit spécialement justifié.
32, rue des Cordes 14000 Caen