Série en 4 épisodes indépendants les uns des autres, Humiliés et Offensés suit le parcours de 4 personnages en quête d’émancipation, de reconnaissance et de liberté. Dans ces deux ultimes volets, deux visions du monde se confrontent : celle d’un prince puissant et écrasant et celle d’Aliocha, son héritier. Alors que le premier défend une conception de la société brutale et sans pitié où le capitalisme est roi, le second fait la rencontre de jeunes activistes et se trouve changer à jamais.
À travers les mots de Dostoïevski, la compagnie Nar6 dépeint une jeunesse habitée par un désir irrépressible de révolte. Confrontée à une société à bout de souffle, injuste et anti fraternelle, elle s’insurge. Cette crise identitaire voit l’émergence d’idéaux nouveaux, rejetés avec violence par les générations précédentes. Parents et enfants interrogent leur rapport aux autres, au quotidien pour finalement trouver leur place dans ce monde en perpétuel renouvellement.
Humiliés et Offensés est une fresque ardente sur la vie, celle qui nous habite, nous bouleverse et nous construit.
D’après l’œuvre Humiliés et offensés de Dostoïevski, traduction André Markowicz.
Samedi 15 décembre - Seconde partie (3ème et 4ème épisodes) - ECAM - Théâtre du Kremlin-Bicêtre (94)
Samedi 12 janvier - Intégrale - TRR - Villejuif (94)
Dimanche 13 janvier - Intégrale - TRR - Villejuif (94)
Episode 1
Natacha quitte tout pour réaliser son amour pour Aliocha. Elle s’enfermera dans une longue attente de l’être aimé jusqu’à l’abandon d’elle-même. Ivan, son ami et ancien fiancé, seul témoin de cet amour fait d’abnégation, jouera les médiateurs entre les amants.
Episode 2
Le père de Natacha se bat pour retrouver sa dignité. Sa fille l’a quitté pour le fils de son ancien employeur contre qui il est en procès. Criblé de dettes, l’honneur bafoué, il risque de perdre sa maison. La mère de Natacha, impuissante, assiste à la déchéance de son mari et pleure la perte de sa fille. Seul Ivan, leur fils adoptif, apaisera leurs peines et leurs offenses.
Episode 3
Fatigué de vivre dans un monde d’hypocrites, le père d’Aliocha se démasque, comme si Ivan méritait une franchise interdite à tout autre. Ses avis sont tranchés, sa conception du monde limpide, brutale et son appétit de liberté sans limite.
Episode 4
Aliocha, jeune homme en quête d’indépendance, ne cesse de se soumettre, non sans lutter, aux désirs de réussite d’un père arriviste. Sa rencontre avec de jeunes activistes le transforme à tout jamais.
Nous sommes dans un moment où toute la jeunesse est secouée de révolte contre une société qui lui paraît injuste, obsolète, inégalitaire, répressive, anti fraternelle.
Cette société à bout de souffle que nous dépeint Dostoïevski, c’est la nôtre : celle qui tend difficilement vers le changement, avec des hommes plein d’idéaux, animés d’envies, des Hommes humiliés, démunis, des hommes qui se battent pour survivre, des hommes qui écrasent d’autres hommes par cupidité... une société ou plus rien ne semble possible, sans avenir et pourtant ou tout devient possible parce que sans espoir. Dans les contraintes qui structurent et étouffent chaque être humain, je cherche d’où vient et où le mène son désir d’émancipation, d’affirmation et de liberté.
4 épisodes, 4 parcours initiatiques, 4 personnages en quête de liberté dans la sphère familiale, sociale et idéologique. La génération des parents et celle des enfants s’interrogent et confrontent leur rapport au monde, aux autres, aux évènements... Une fresque où chacun cherche à trouver sa place dans la société, seul ou en groupe et explorera les limites de sa liberté.
La dualité présente chez certaines grandes personnalités qui ont marqué et changé l’histoire me fascine et m’effraie : comme Robespierre auteur à la fois de la Déclaration Universelle et de La Terreur. C’est pourquoi mes mises en scènes interrogent les « jusqu’au-boutistes » : dans Yvonne, princesse de bourgogne et Roméo et Juliette les personnages refusent les règles de la société jusqu’à en mourir ; les personnages Dostoïevskien, quant à eux, sont possédés par ce désir de liberté absolue jusqu’au nihilisme, jusqu’à l’anéantissement d’eux-mêmes ou de l’autre. Cette quête même devient une prison. Cette quête justifie-t-elle n’importe quoi ? « Alors tout est permis ? », s’interroge Ivan Karamazov... c’est ainsi que nous aborderons la question délicate de l’homme libre, et de son passage à l’acte.
« Et tout cela est écrit dans un langage tellement simple, juste comme ça, comme nous parlons nous (...) des choses si quotidiennes, si connues, si... exactement pareil que ce qui se passe tous les jours autour de nous. C’est comme, enfin, plus proche, comme si c’était à moi-même que c’était arrivé.» Le père, Humiliés et offensés
Je retiens de l'écriture de Dostoïevski la somplicité, le vivant, l'analyse des émotions extrêmes et surtout la tendresse qu'il porte aux petits de ce monde.
Je souhaite rendre palpable cette recherche absolue du vivant et du réel ; cet amour qu’il porte à l’Homme, je le porterai aux acteurs. Avec eux, je décortiquerai le vivant afin que les spectateurs aient la sensation d’assister à une intimité à laquelle ils ne pourraient ordinairement pas avoir accès. Je veux que la personne assise au dernier rang puisse se dire « cet homme, ça pourrait être moi, ça pourrait être mon père » (Humiliés et offensés).
Je serai attentive aux maladresses de l’être humain : regarder la vie, c’est accepter qu’elle nous échappe, qu’elle nous déstabilise, qu’elle nous plonge dans un désordre innommable. Ce déraisonnable nous habitera, acteurs et metteurs-en-scène, lors d’improvisation face à la langue de Dostoïevski.
Une adaptation autour de l'absent
Je veux bouleverser la structure narrative traditionnelle en racontant la même histoire selon le point de vue de 4 personnages humiliés. La musique, l’espace, les comédiens renforceront le caractère cyclique mais changeant de la narration. En traversant les 4 épisodes, Ivan, l’écrivain, rapportera la parole des absents. Chaque épisode sera structuré sur l’absence de certains personnages. Je veux créer chez le spectateur la même frustration qu’un personnage peut avoir face à l’absence de l’être aimé. L’absence d’Aliocha détruit Natacha. L’absence de Natacha détruit ses parents. Cet angle d’attaque permet de mettre en exergue la solitude des personnages. L’attente de l’être aimé sera interrompu au 4e épisode avec la présence physique d’Aliocha. Celui que nous avons imaginé pendant les 3 premiers épisodes s’incarnera devant nous. Sera-t-il celui que Natacha nous a dépeint ? Celui à qui nous pardonnons ?
Le rapport au public / scénographie
Pour créer la proximité de l’acteur avec le spectateur, je placerai le public en bi-frontal. Tout comme Dostoïevski, chaque spectateur pourra regarder à la loupe et sous tous les angles les personnages. Ce tri-frontal symbolisera les murs de la prison intérieure des personnages, ces murs qu’ils tenteront de briser dans leur chemin d’émancipation ou qu’ils bâtiront malgré eux ; l’espace central sera l’espace des passions qui rongent les personnages et qui les poussent à avancer. Cette quête primordiale se fera avec le public : l’espace comme lieu de réflexion, dans lequel les personnages prendront à parti les spectateurs, ils les questionneront sur leur rapport au monde, aux autres, aux évènements, leurs choix, leurs doutes, leurs peurs. Le rapport qu’entretiennent les personnages avec l’espace nous révèle leur rapport au monde : rester enfermer dans le bi-frontal ou sortir du bi-frontal raconte l’enfermement ou l’émancipation. La force des mots et des situations transporteront les spectateurs d’un temps à un autre et d’un lieu à un autre. Une nappe, de la vaisselle pourront raconter le faste et la richesse de Natacha et la soudaine absence de ses éléments, nous donnera la précarité dans laquelle plonge Natacha. Le désordre final jusqu’au chaos proposera une autre lecture des limites de l’émancipation jusqu’au nihilisme. Le traitement de la lumière dans cet espace sera conçu par la scénographe comme une installation artistique. La fiction se prolongera hors plateau, entre chaque épisode, de manière surprenante et invisible, ainsi je poursuis ma recherche sur la porosité entre le réel et la fiction.
La musique
La musicienne incarnera le rôle d’une petite mendiante : Nelly. Son destin est le miroir tragique de celui de Natacha. Elle aura une fonction de démiurge : celle qui connaît et qui affronte sans peur l’issue tragique de cette histoire. Elle augmentera le volume du monologue intérieur de chaque personnage jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus se supporter eux-mêmes et qu’ils prennent en main leur vie. Sort-elle de l’imaginaire de l’écrivain Ivan ou est-elle un personnage à part entière de l’histoire ?
Aliénation : Fait de devenir étranger à soi-même
L’aliénation des personnages revêt différentes formes : l’aliénation dans le travail d’un écrivain devenu journaliste littéraire pour financer sa création ; la révélation déchirante de cette même aliénation à un homme dévolu à son « patron » et à son métier pendant des années, qui est remercié de manière brutale et infamante. L’aliénation de la passion amoureuse, qui pousse l’ancien amoureux devenu l’ami du couple à contempler et entretenir « ce qui aurait pu être son bonheur » ; en même temps, il constate, non sans une certaine satisfaction, le malheur de son aimée incapable d’empêcher le délitement de son couple. Aliénation de celle qui sacrifie son couple et se sacrifie pour le bonheur de son aimé. Aliénation d’un fils en quête d’indépendance et qui ne cesse de se soumettre, non sans lutter, aux désirs de réussite d’un père arriviste. Aliénation de celui qui se voue corps et âme à l’Idée qui semble le libérer de toute contrainte et le transforme en esclave.
Émancipation
Action de se libérer d'un lien, d'une entrave, d'un état de dépendance, d'une domination, d'un préjugé
À tous les niveaux, dans toutes les ramifications de ses romans, la jeunesse chez Dostoïevski cherche son chemin, et elle passe par la douloureuse émancipation : les enfants tentent d’effacer leur hérédité, comme la marque de Caïn ; ils cherchent à se débarrasser de ce fardeau trop lourd, trop présent, trop contraignant de leurs parents : qu’ils soient géniaux ou monstrueux, seule leur disparition permet l’émergence de l’adulte en devenir. L’organisation sociale elle aussi est contestée, interrogée,
mise à plat : chacun cherche sa liberté, et s’attache à l’Idée ; leur dieu, leur gouvernement, leur ordre économique et social, tout s’érige comme une montagne qu’ils doivent à la fois gravir et détruire.
C’est l’émancipation de la jeune femme qui a quitté son foyer ou de la petite fille qui préfère mendier que de devoir de l’argent à son grand-père. Émancipation de la jeunesse qui contemple et parfois subit une société trop inégalitaire, trop répressive ; qui remet en question toutes les sources d’autorité par inquiétude de leur abus de pouvoir, par soupçon de corruption et aussi par lassitude d’un univers trop connu et peut-être sans espoir.
2, place Victor Hugo 94270 Le Kremlin-Bicêtre
Voiture : partir de la porte d'Italie, prendre la RN7 en direction de Villejuif. A la hauteur de la station de métro tourner à droite, avenue Eugène Thomas puis au 1er feu à gauche rue Jean Monnet.