La dernière création d'Ariane Mnouchkine ! Un grand spectacle populaire inspiré par des faits réels – En plusieurs époques. Première Époque 1917 : « La victoire était entre nos mains »
Nous qui sommes le public de l'an 2024, nous sommes datés. Quand a commencé notre Histoire ? Il y a 3000 ans, hier, par une guerre. L'Histoire-Légende aura toujours commencé par une guerre, une révolution, la fin d'un monde, le commencement d'un monde. La Guerre de Troie et la guerre mondiale. Laquelle ? La première, la seconde, la troisième ? Un empereur massacre un peuple. Un peuple se soulève, fuit. On tue un roi. Un Français ? Ou un Russe ? Ou un Grec ? Avant. Demain matin.
De ton temps, Shakespeare, c'était comment ?
Selon Shakespeare, nous sommes des mouches pour les dieux. As flies to wanton boys are we to the gods. Ils nous tuent pour s'amuser. Vus par le Théâtre nous sommes des pions sur l'échiquier des Dieux : des soldats et des généraux, des rois, des esclaves, des prophètes, des mères et des orphelins, des ogres et des gibiers humains, des…
L'Histoire est un cauchemar qui nous dépose sur la rive d'un autre rêve. La plupart du temps millénaire, ce nouveau rêve est un cauchemar qui répète son scénario de fatalités et de résurrections. Les continents sont baignés de sangs. Il y a toujours de nouveaux personnages mythologiques, les masques changent, les férocités se modernisent.
Qui sont ces dieux bouchers ? Non, ce ne sont pas seulement des « garçons espiègles », ces hommes qui tuent pour démontrer leur violente divinité. Tous les jours nous prononçons leurs noms avec effroi et stupéfaction. Tous des Personnages hurleurs, sous leurs noms de masques, ces orateurs diaboliques s'enivrent de leurs propres paroles incendiaires. Dictateurs, chefs, tyrans totalitaires, mangeurs d'humains, cyclopes aveugles, peintres ratés, faux poètes, grands seulement par leur ambition illimitée, ils ont les armes, champions olympiques dans la pratique du Mensonge.
Aujourd'hui nous les appelons l'un Poutine, ou l'autre Dragon là-bas, vous savez, Trump ? Ah, Trump oui, et celui-là ? C'est Hitler.
Crois-tu vraiment, Shakespeare, qu'ils ne nous tuent que pour s'amuser. Ils veulent nous exterminer. Nous effacer de la Terre et de la mémoire. Car ces monstres sanguinaires, ce sont des hommes, c'est incroyable.
C'est pour ça qu'ils nous fascinent. Ils sont incroyables et ils sont toujours là, les Grands Cruels, les Führer, Lénine, Staline, -tine, -nine, -line, -tine. Ce sont des mortels et ils veulent notre mort !
Hélène Cixous, 28 juin 2024
Je crois que, comme tous nos spectacles, celui-ci est né d’une émotion et d’une question que nous sommes nombreux à nous poser depuis deux ans : comment au XXIe siècle en arrive-t-on à la tentative d’invasion, d’asservissement, de destruction d’un pays indépendant, par une autre puissance dont le PIB est quasi identique à celui de l’Espagne mais qui possède un énorme pouvoir de nuisance ? Qu’est-ce qui, au cours des décennies, fabrique un dirigeant, je dirais un homme, tel que Vladimir Poutine ? Pour essayer de répondre à cette question, il nous fallait tenter de raconter, théâtralement, l’accouchement d’un système qui a changé le monde. Je devrais dire deux systèmes, car la guerre de 14 nourrira le nazisme autant que le bolchevisme. Peut-être, aussi, avec ce spectacle, imaginons-nous, très naïvement, ériger une sorte de barricade théâtrale contre les divers despotismes, totalitarismes et entêtements idéologiques, qui, aujourd’hui, nous menacent sur plusieurs fronts. Nous nous sommes donc plongés dans l’Histoire et nous sommes rendu compte qu’il fallait pour raconter le 24 février 2022, remonter jusqu’en février 1917 ! La première époque de cette fresque qui (si les dieux du théâtre nous sont favorables) en comptera certainement plusieurs, couvrira les années 1917-1918. La deuxième, qui sera créée l’année prochaine, suivra et se déploiera, jusqu’en 1945, et ainsi de suite. J’espère que nous aurons les forces et la chance de poursuivre cette Geste, cette immense épopée, jusqu’à rattraper nos jours. Chacune devrait durer environ 2h15, sans entracte.
(...)
L’immense travail préalable de lectures que nous avons effectué s’est avéré bouleversant et vertigineux, une connaissance entraînant le besoin d’une autre connaissance et ainsi de suite jusqu’à l’infini. On pourrait presque dire que plus on travaille, plus on se dit qu’on ne sait rien ! Nous nous sommes nourris de multiples archives et écrits des grands protagonistes de l’époque et d’innombrables livres d’historiens de toutes sortes d’obédiences politiques. Morts ou encore bien vivants. Nous leur devrons beaucoup, sinon tout. Cette première époque, sous-titrée « La victoire était entre nos mains », d’après le titre du Tome 1 des Carnets de la Révolution russe de Nikolaï Soukhanov, l’un des fondateurs du Soviet de Petrograd, me paraît comme une espèce de dernier râle de la Révolution française, montrant comment l’Histoire régurgite ses monstres. Tant de séquelles subsistent des mensonges historiques inscrits de génération en génération. Nous nous servons des faits, des écrits, des discours réellement prononcés. Il nous revient d’en faire du théâtre, du vrai théâtre. Nous ne pouvons pas rivaliser avec le cinéma ou même avec les innombrables documentaires admirables qui nous nourrissent. Le théâtre a ses langages. Il sait et peut tout raconter. À nous d’être à la hauteur de notre art pour être à la hauteur de l’Histoire. Tout ce que disent les personnages a été effectivement prononcé ou écrit. Certains, comme Lénine, sont mondialement célèbres, d’autres, qui furent pourtant très importants, ont été effacés. Nous voulons les faire renaître. Certains, parce qu’ils étaient très humains. D’autres, parce qu’ils furent démoniaques.
Cartoucherie - Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.