Trois pièces " On purge bébé " " Léonie est en avance "
" Hortense a dit : " Je m’en fous " "
Propos du metteur en scène
Après l’échec de Circuit, Feydeau revient à la farce conjugale avec cette pièce représentée pour la première fois le 12 avril 1910 sur la scène du Théâtre des Nouveautés. Qualifié de " petit chef d’œuvre " par plusieurs journalistes, On purge bébé est une critique aiguë de certains ménages bourgeois ; une implacable vision, d’où se dégage un comique énorme. Cette comédie désopilante, traitée de manière simple, ne se construit pas autour d’une réelle intrigue, mais d’une question plutôt triviale : Toto prendra-t-il ou non son purgatif ?
Léonie est en avance est une pièce en un acte représentée pour la première fois le 09 décembre 1911 à la Comédie-Royale, et qui vient compléter la série de trois pièces déjà consacrée au couple (dont On purge bébé). Ici, Feydeau met en scène un couple dans les dernières heures avant la venue au monde de l’enfant. Moment privilégié ? Ce serait sans compter sur l’autorité de la sage-femme, le mépris des beaux-parents à l’égard du gendre et l’énervement de l’épouse. A l’arrivée, un cocktail rempli de savoureux détails, taquineries mesquines, le tout savamment orchestré par des dialogues pleins de rebondissements.
Cette pièce de 1916 achève le cycle des farces conjugales en un acte mis en place par Feydeau huit ans plus tôt. Ici les tensions s’accentuent et les mésententes sont telles que la rupture n’est plus très loin… Sur scène, le cabinet du dentiste Follbraquet où il n’est pas judicieux de s’éterniser : Hortense, la femme de chambre, à dis " je m’en fous ! " à la maîtresse de maison…
Depuis ces origines, le théâtre n’a cessé de s’interroger sur le couple et sur la question du mariage, qui est pour toute société une préoccupation capitale ; Feydeau ne fait évidemment pas exception à la règle, en se faisant l’impitoyable observateur des catastrophes conjugales. Au théâtre, seul le malheur à quelque chance de faire rire !
C’est cette vision du couple et particulièrement de la femme chez Feydeau que j’ai voulu éclairer en associant ces trois pièces. Mais il s’agit également, par ce choix, d’amplifier le comique des situations, et de pousser la mécanique de l’auteur jusqu’à la démesure.
En effet, toute la dramaturgie de Feydeau est tendue à l’extrême par des accumulations d’injonctions contradictoires : elles affolent littéralement les personnages au point que leur raison semble s’égarer et que lancés dans un cauchemardesque parcours d’obstacles, ils s’agitent frénétiquement comme des forcenés.
Dans ce délire confiné à l’absurde, les personnages, tels des clowns restant dans leur logique et jouant la situation jusqu’au paroxysme, nous apparaissent plus sensibles, fantaisistes, truculents, pathétiques, plus fous, mais toujours sans morale. C’est là sans doute l’un des secrets de l’exceptionnelle puissance comique de Feydeau.
Le vaudeville n’est après tout qu’une tragédie qui a mal tourné.
Olivier Courbier
20, rue Théodore Deck 75015 Paris