Impression :
1. (Imprimerie) Action par laquelle une chose appliquée sur une autre y laisse une empreinte.
2. (Figuré) Effet qu’une cause quelconque produit dans le cœur ou dans l’esprit. Effet global que donne quelque chose ou quelqu’un.
J’ai décidé d’appeler ce spectacle Impressions d’un songe. La pièce de Calderón sera notre point de départ. Nous en ferons notre propre adaptation en tentant de ne garder de la pièce originale que la substantifique moelle. Nous nous autoriserons avec le texte des déplacements, des coupes et même des ajouts d’autres œuvres. Puis les acteurs improviseront à partir de l’adaptation. Ces improvisations devront être comme des variations autour du thème principal. Bien entendu, l’enjeu sera de garder la densité poétique et de ne pas dénaturer les possibles offerts par la pièce originale. Ce qui m’intéresse n’est pas tant la pièce en elle même que notre reflet dans cette pièce, comme l’impression laissée par un rêve lorsque l’on se réveille. Ce sont les impressions laissées par l’œuvre qui feront le spectacle.
À mon sens, le génie de Calderón est d’avoir placé les thèmes de l’illusion et de la réalité comme épicentre de la pièce. C’est autour de ces deux thèmes que toute l’histoire se déroule. Comme si le poète nous invitait d’abord à nous questionner sur la problématique essentielle du théâtre, l’illusion et la réalité étant le fondement de notre relation à la représentation. Et dans la pièce, le personnage de Clairon, seul à être complètement « isolé », à ne pas être en « double » avec un autre, comme s’il n’était autre finalement que le double du spectateur, son reflet dans le miroir de la représentation, Clairon, donc, nous renvoie à ce questionnement « en direct » tel un pauvre clown sorti tout droit d’une pièce de Samuel Beckett.
Ainsi, notre adaptation aura pour fil conducteur cette mise en abyme extraordinaire du théâtre dans le théâtre. Et, en tirant ce fil, nous, acteurs et metteur en scène, (musicien, chorégraphe, créateur son, créateur lumière...) serons immanquablement confrontés à l’une des questions fondamentales du théâtre : la crédulité. Celle du spectateur, mais aussi celle de l’acteur, cette question représentant à elle seule tout l’enjeu de leur relation. Sans cette relation, point de théâtre. Aujourd’hui, face à la multiplication des réseaux de communication, la simplicité de la relation directe d’hommes parlant à des hommes devient plus que jamais nécessaire. Le fait même de porter notre humanité sur une scène de théâtre devient donc, aujourd’hui plus que jamais, un geste politique, et l’interrogation renouvelée de la relation acteur-spectateur qui s’y déroule prend alors un sens à la fois politique et métaphysique.
Comme un miroir, La vie est un songe nous renvoie à des questions essentielles sur le fondement de notre existence, l’illusion et la réalité de ce que nous vivons et notre rapport aux autres. À travers la relation au père, c’est la blessure originelle de notre naissance qui se pose. Dans la pièce de Calderón les mères sont absentes et seuls les pères, défaillants, tentent de faire face à une relation qui les dépasse. Les deux héros de la pièce, Rosaure et Sigismond, sont donc seuls face à leur expérience. Ils devront apprendre à discerner la réalité de l’illusion à travers un parcours initiatique riche en rebondissements pour finalement renoncer à leur amour.
Ces notions de renoncement aux passions, de discernement entre la réalité et l’illusion, entre moi et les autres, d’apprentissage par l’expérience propre plutôt que par la théorie me renvoient à la philosophie indienne du Vedanta et plus tard au bouddhisme. Philosophie non dualiste de l’existence, le Vedanta enseigne comment dépasser notre identification aux apparences pour aller vers la seule réalité possible : Le Soi réel, la conscience pure. Pour moi, la pièce de Calderón est un parcours initiatique de l’ombre vers la lumière. Le chemin d’un homme que son destin éprouve pour l’amener vers l’éveil. Un homme-bête qui à la fin de l’œuvre se révèle un roi d’une grande sagesse, et avant tout un homme.
Je chercherai avec les acteurs à ne mettre sur le plateau que l’essentiel. Ils seront accompagnés en direct par un musicien et je travaillerai avec une chorégraphe sur leur relation à l’espace et à leur propre corporalité.
Au centre du plateau, un espace de jeu privilégié sera délimité par la lumière et par un carré de parquet d’environ cinq mètres sur cinq. Sur le côté, dans une demi-pénombre, les circulations des acteurs seront devinées plutôt que montrées, et, une fois le jeu démarré, ils ne ressortiront plus en coulisse. Ainsi, autour du parquet central, on devinera, tout au long du spectacle, des présences, évocations fantomatiques évoluant dans un espace métaphysique qui représentera cette terre inconnue « entre la vie et la mort », entre le « non-être » et l’« être », entre l’« avant » et la naissance, permettant aux acteurs de proposer des incarnations et des « ré »incarnations, de passer d’un personnage à un autre grâce à ce pacte de crédulité implicite signé entre eux et le public.
Et, encore plus loin tout autour du parquet central, à cour et à jardin, en hauteur (sur praticable) ou au sol, des espaces ponctuels de jeu (éclairés le moment venu puis replongés dans l’obscurité), sortes de « limbes de théâtre », permettront de faire vivre des « apparitions », des rêves, des espaces plus lointains (dans tous les sens du terme) que celui, central, où se déroulera l’action principale. Des rideaux de scène entrouverts accrochés à mi- profondeur permettront de diviser l’espace total en un avant-plan (où se trouvera le parquet central) et un arrière-plan (où se trouveront également un ou deux praticables).
Au lointain « la toile la plus négligemment barbouillée » (comme le dit Claudel dans l’avertissement du Soulier de Satin), soutenue par une tringle légèrement oblique nous donnera une image (plus ou moins présente selon les moments) de la fragilité du théâtre. La lumière aura un rôle prépondérant dans la mise en espace des scènes. Pour tout mobilier, un amas de chaises empilées sera utilisé pour construire les différents lieux de l’action, évoquer la prison de Sigismond ou devenir, rangées ou alignées différemment, le palais du roi Basile. Certains éléments de costume pourront évoquer le siècle d’or espagnol mais la base restera volontairement intemporelle de façon à faciliter les changements de personnages et faire ressortir l’universalité, voire l’actualité des thématiques soulevées.
Une agréable manière de se plonger dans ce classique.
Très bonne interprétation dans un simple décor avec un chaleureux accueil à la cartoucherie
Une agréable manière de se plonger dans ce classique.
Très bonne interprétation dans un simple décor avec un chaleureux accueil à la cartoucherie
Cartoucherie - Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.