Possibilité de voir Mademoiselle Julie et Créanciers séparément.
Après Père (2005), Christian Schiaretti, directeur du TNP — Villeurbanne, revient à Strindberg : deux pièces écrites l’une à la suite de l’autre qu’il met en scène avec la même équipe d’acteurs, dans un décor unique. Les deux oeuvres utilisent à la fois l’intuition brûlante de l’écrivain et son génie de la construction.
S’il y a dans les deux cas, nécessité de tuer, un affolement du sentiment, il y a aussi dans l’artisanat théâtral de l’auteur, la mise en oeuvre scrupuleuse d’un suspense policier : deux meurtres calculés et improvisés, dont le mobile est improbable et l’arme reste introuvable. Car l’arme est ici le mot, le mot pur, pour lui-même, et c’est d’eux que l’on meurt. Il n’y a pas chez Strindberg le réconfort du flou du sens, il y a la folie criminelle, l’expression du tragique, à travers le tranchant même du mot.
Dans Mademoiselle Julie (1888), une jeune aristocrate, exaltée par une nuit de Saint-Jean, séduit son domestique, mais le charme, aussitôt rompu, fait mortellement s’affronter les idéaux de l’une à la volonté d’ascension sociale de l’autre.
Nuit des feux, nuit d’été où les songes outrepassent la réalité. Et pourtant, derrière l’argument du désir, au-delà du fantasme torride d’une maîtresse se piquant d’encanaillement avec son valet et du réveil sordide d’une fille perdue poussée au suicide, s’opère une descente autrement plus terrible - un voyage au bout de la nuit. Entre Julie et Jean, entre l’aristocrate déchue et le domestique arriviste, se joue le choc d’une pulsion de mort ivre de déclassement et d’une fureur des grandeurs brûlante de ressentiment. L’un après l’autre tomberont en cascades les rêves et les illusions, les grands desseins et les vastes horizons. Au petit matin, il ne restera rien.
Dans Créanciers (1889), un ex-mari manipule le nouvel époux qui ne sait pas à qui il a affaire, le faisant mortellement douter de la fidélité de sa femme.
Symétriquement, à la nuit de Mademoiselle Julie, Créanciers se joue en plein jour et a la transparence du délire peint aux couleurs de la lucidité. Dans cet autre trio infernal, décliné en duos tournants, un mari chasse l’autre. Plus précisément, un ex-mari traque à mort son successeur, qui lui a volé sa place légitime auprès d’une épouse par essence infidèle. Une affaire de vengeance conjugale ?
Plonger en Strindberg, c’est plonger en Enfer. L’enfer de la guerre des sexes et de la lutte des classes. L’enfer du délire paranoïaque et de la déchéance radicale. L’enfer de l’explosion du couple et de l’implosion du Moi. Avec, pour champ de bataille, le fond de l’âme, pour armes, les cerveaux, et pour objet, le sexe, son théâtre déploie la grande victoire des forces noires.
" Dans ces deux thrillers hitchcockiens, savamment ou en toute inconscience, la femme tue à coup sûr. Plonger en Strindberg, c’est laisser à l’entrée du théâtre toute espérance. " Gérald Garutti
« Jamais on avait si bien entendu August Strindberg, jamais on n'avait touché de si près sa cruauté et son humour ravageur ni le suspens à l'oeuvre dans sa dramaturgie. Une traduction nouvelle, une mise en scène au scalpel et quatre interprètes d'une intelligence et d'une sensibilité bouleversantes. Un événement à La Colline. (... ) C'est l'art de Christian Schiaretti, audacieux, radical, pertinent. Et grand. » Armelle Héliot, Le blog du Figaro
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