Ismène est un opéra pour voix seule, en l’occurrence celle de Marianne Pousseur. Une espèce de dialogue intérieur !
Une performance pour un corps nu et les éléments naturels. Un spectacle aux formes esthétiques, visuelles, rempli d’images pleines de poésie et de textes remarquablement dits et chantés par Marianne Pousseur, voix magnifique dotée d’une fabuleuse tessiture et éclairée avec discrétion par Enrico Bagnoli.
Mais qui est Ismène ? Elle est la discrète, la passive, la faible, celle qui n’est pas entrée dans la légende au même titre que sa soeur Antigone qui incarne la part sensuelle existant en chacun d’entre nous. Antigone, Électre et Médée agissent et accomplissent leur destin. Ismène refuse.
Telle une jardinière de la mémoire, elle cultive dans la solitude le contact sensoriel avec les éléments de son enfance. En contraste avec l’absolutisme de sa soeur Antigone et la grandiloquence de rigueur au palais de son père Oedipe, naît à travers elle une pensée, un discours, une vision, qu’elle construit avec lenteur et sérénité.
Personnage universel et unique à la fois, Ismène est protagoniste d’un drame qui ne la concerne pas.
« La performance d'actrice de Marianne Pousseur est à la démesure de ce texte implacable. [...] Prodigieuse tragédienne, elle évolue dans le décor épuré, uniquement constitué d'eau - reflet des états d'âme de l'héroïne - de lumière et de feu. » La Croix
« Ismène est un spectacle qui s'imprime durablement dans la mémoire. […] Musique de tous les temps, la partition d’Ismène est celle d'un être humain qui naît puis meurt, mais qui va vivre en jouant avec sa voix, qui est elle-même un monde où l’espace l'emporte sur le temps. Espace du rêve, de la fable, des actes accomplis dans un certain sens. Investi corps et voix, Marianne Pousseur est à elle seule un théâtre d’apparition. » France Culture
« Des mots enfouis, qui surgissent de l’écume bouillante, et affleurent, dans un époustouflant travail scénographique d’Enrico Bagnoli, l’homme qui transforme la lumière en espace vital, en matière, en volume, en projections. […] Une fascinante création mondiale de la compagnie Khroma. » Le Soir
Elle n’est pas entrée dans la légende au même titre que sa soeur, Antigone. Ismène incarne la part sensuelle existant en chacun d’entre nous, quand Antigone en représente la part intellectuelle, susceptible d’accéder à l’héroïsme le plus sublime, mais aussi à une idéologie extrême et bornée. Ismène, grâce à son affection pour les valeurs les plus minuscules, quotidiennes, la floraison des oeillets, l’odeur des oranges, ne perd pas le contact sensoriel avec les éléments de son enfance.
C’est pourtant de cette affection que naît en elle une pensée, un discours, une vision, qu’elle construit avec lenteur et sérénité. Ce mouvement, opéré par une femme en fin de vie, transportant son bagage d’expériences, de violences, transmuté en une longue méditation à la fois clairvoyante et lyrique, fait d’elle un personnage universel, en même temps qu’unique et très attachant.
Pour Ismène, nous avons souhaité un espace qui soit l’incarnation subtile de l’univers mental, des replis de la mémoire, des phantasmes, des ombres et des fulgurances. La lumière et l’ombre sont des éléments chargés de valeurs symboliques variées et en évolution. Traditionnellement, et de notre côté du monde, la lumière, le blanc symbolisent la pureté, Dieu, tandis que l’obscurité renvoie à la noirceur du coeur, au péché, à Satan.
Pourtant, au delà de cette peur du noir si immédiate, de la crainte née de l’invisible, le noir permet d’approcher, par une sorte de vision, un autre monde, celui des voyants. Comme pour Tirésias, le noir est une voie d’accès à la connaissance, une sensibilité accrue à une vibration spatiale, et temporelle différentes. Le son et la lumière sont des entités semblables, des ondes en vibration, que seule la longueur de l’onde différentie. Leur similitude réside dans l’impalpable, l’immatériel.
Nous avons voulu travailler sur la perception de la lumière comme mode de concentration sensoriel et mental. Pour ce faire, nous avons construit un espace carré, un bassin d’eau profond de quelques centimètres et large de huit mètres sur huit. Celui-ci est utilisé comme espace unique de jeu, l’eau dans laquelle baigne en permanence Ismène, évoquant les fontaines des jardins, le palais abandonné. Il est aussi l’endroit où elle s’apprête à mourir. Un énorme miroir de l’âme.
Square de l'Opéra-Louis Jouvet, 7 rue Boudreau 75009 Paris