Spectacle en allemand.
En 1955, Bertolt Brecht publie le Kriegsfibel, une série de soixante-neuf photographies accompagnées à chaque fois d’un quatrain, collectées durant des années dans les journaux, instantanés et documents sur la guerre et ses conséquences. Brecht s’alarme des nouveaux fronts de la froide et du refoulement de ce qui vient d’être vécu. Deux ans plus tard, Hanns Eisler met en musique quatorze de ces “photoépigrammes” et crée des morceaux courts, véritables concentrés aux contrastes forts.
L’adaptation de Jörg Mischke a fait naître des reprises dont les arrangements soulignent les mélodies entraînantes aussi bien que les harmonies marquées. Un accordéon, un fluegelhorn, un piano, et la grande actrice Kathrin Angerer, que l’on a déjà pu applaudir à la MC93 dans les mises en scène de Frank Castorf. De sa voix claire, tout à la fois fragile et résolue, elle confère aux chansons une véritable dimension personnelle.
Tandis que les photoépigrammes sont projetés à l’arrière-plan, Kathrin Angerer et les musiciens parviennent de quatorze étonnantes façons à décrire la guerre. Cinquante ans après leur composition, les chansons de Brecht n’ont rien perdu de leur pertinence et de leur actualité. Les lieux du conflit changent, les motifs sont certes différents : l’horreur de la machinerie guerrière demeure la même.
Kathrin Angerer : chant
Jörg Mischke : piano
Gerhard Schiewe : accordéon
Torsten Roske : Fluegelhorn
« Quiconque oublie le passé ne saurait lui échapper. Ce livre veut enseigner l’art de lire les images. Le non-initié déchiffre aussi difficilement une image qu’un hiéroglyphe. La vaste ignorance des réalités sociales, que le capitalisme entretient avec soin et brutalité, transforme des milliers de photos parues dans les illustrés en de vraies tables de hiéroglyphes, inaccessibles au lecteur qui ne se doute de rien. » Ruth Berlau
Critique de l’hypermédiatisation avant la lettre, les mots de celle qui a accompagné Brecht marquent le double projet qu’envisage l’ABC de la guerre : le rappel du nécessaire travail de mémoire et le décodage, toujours plus complexe aujourd’hui, des représentations. Cinquante ans après sa conception, l’oeuvre de Brecht n’a rien perdu de sa pertinence ni de son actualité. Les lieux du conflit changent, les motifs peuvent être différents : l’horreur de guerre demeure la même.
Publié en 1955 en RDA, le Kriegsfibel constitue une oeuvre à la fois unique formellement, et en
même temps profondément inscrite dans le projet brechtien. Brecht y rassemble soixante-neuf
photographies de presse qu’il accompagne d’un quatrain. Les images collectées - les
dernières représentent l’Allemagne détruite de 1945 - recouvrent la période d’exil de l’auteur,
qui quitte l’Allemagne en février 1933, et témoignent de son regard sur le monde. Des lieux
divers apparaissent : l’Espagne, le Paris de l’occupation, l’Angleterre, Berlin, la Pologne,
l’Italie, l’Afrique, jusqu’à l’Extrême-Orient et le Pacifique. Une même disparité caractérise les
sujets : on y retrouve des photos aériennes, des plans représentants des villes détruites, des
soldats, mais aussi nombre de portraits d’anonymes comme de dignitaires nazis.
Le Kriegsfibel rassemble donc avant tout des documents du temps, sortes de condensés du réel vécu et de son commentaire par l’observateur. Brecht néanmoins ne se substitue pas au photojournaliste. Son entreprise revient à tenter de saisir, à travers le prisme frappant du fragment, la réalité dans sa complexité. Les images choisies par Brecht, pour une grande part, paraissent anodines, elles ne sont en soi pas porteuses d’une charge symbolique forte. Ce sera avec deux photos d’Adolf Hitler que l’auteur commencera de confronter l’image de la réalité politique de son temps à un quatrain, pour faire naître le photogramme.
Le commentaire, bien plus qu’une description, passe par l’épigramme, qui forme une unité close sur elle-même. D’un photogramme à l’autre, le lien entre texte est image est plus ou moins distendu. A la modernité de la photographie Brecht oppose la tradition du quatrain, et forme ainsi un montage nouveau, toujours porteur d’une tension, comme une sorte de poursuite des collages que pratiquait l’américain John Heartfield. De cette tension naît donc une forme de distanciation.
En mettant en musique quatorze photogrammes, le compositeur Hanns Eisler rajoute en 1957 un troisième matériau à ceux que constituent photographie et littérature. Ces morceaux courts, véritables concentrés aux contrastes forts sont conçus à l’origine pour un petit ensemble, un chanteur et un choeur. L’adaptation récente de Jörg Mischke a fait naître des reprises dont les arrangements soulignent les mélodies entraînantes ainsi que des harmonies marquées. Contrairement à la version enregistrée en studio, il renonce, dans la version conçue pour la scène, au mixage électronique. Concentrée sur quelques instruments (accordéon, violon, piano), cette présentation laisse d’autant plus d’espace à la voix tout à la fois fragile et résolue de la comédienne Kathrin Angerer qui confère aux chansons une véritable dimension.
Barbara Engelhardt
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