Présentation
L'auteur
Ce qu'ils en pensent
Sous la coupe du père, Harpagon, Elise et Cléante cachent leurs amours. Elise, celui de Valère qui s'est fait engager auprès d'Harpagon pour se rapprocher de l'être aimé, Cléante, celui de Marianne, belle et pauvre, qui vit auprès de sa mère. Chacun redoute les foudres paternelles, mais les projets du vieil avare vont frapper de stupeur ses progénitures...
Il veut épouser la toute jeune Marianne pour redonner des couleurs à la grisaille de son veuvage, il souhaite faire épouser à Elise et Cléante de "vieilles peaux" fortunées pour ajouter encore à son pactole. Ce coup de théâtre réussira à liguer toute la maison contre le puissant vieillard...
Pour Molière, l'Avare s'inscrit à la fin d'un cycle d'années bien difficiles...
C'est tout d'abord une fluxion de poitrine qui le laisse entre la vie et la mort, puis la censure qui s'abat sur Tartuffe, enfin, les déboires conjugaux avec Armande Béjard, de vingt ans sa cadette, associés à ses démêlés financiers, qui l'amènent à régler des dettes de vingt ans auprès d'usuriers peu enclins à la poésie.
On pourra trouver, à travers ce bref aperçu du contexte, beaucoup d'éléments autobiographiques dans l'Avare...
Pourtant, une fois de plus, c'est du côté des anciens et de Plaute - poète comique du 2ème siècle avant J. C. - qu'il faut chercher les nombreux emprunts de L'Avare. L'Alularia (littéralement "petite marmite" en latin) inspire largement l'intrigue de la pièce. Des scènes entières sont reprises à l'identique : la fouille du valet, l'inspection des mains, le monologue d'Harpagon dépossédé de son bien...
Le talent de Molière n'est pas dans la source mais dans la manière. Ces emprunts, plagiat ! crierait-on aujourd'hui, le XVIIème les tolère tout à fait. Molière transpose et dépasse, s'approprie, digère... mais rend au centuple !
L'histoire de L'Avare, comme dans toutes les autres grandes uvres de Molière (L'Ecole des Femmes, Dom Juan,Tartuffe, Le Misanthrope), est l'histoire d'une passion effrénée, sinon folle - c'est-à-dire conduisant à la folie - qui finit par troubler l'ordre social.
A l'inverse de Dom Juan qui existe par la dépense, l'ouverture, il s'agit là d'une passion de la restriction, du retour vers soi, de la retenue, du revenu. Harpagon, peut-être vieux (il a dépassé les 60 ans), sans doute malade (il tousse sans arrêt... la tuberculose), pour qui tous les moyens de lutter contre la mort sont bons, cherche donc avidement ce qui lui semble éternel - l'argent - et ce qui peut lui insuffler une vie nouvelle - la jeunesse de Marianne -.
Harpagon s'identifie à son argent ("On m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent" IV. 7). Or, cette identification corporelle à l'argent le rend vulnérable : il est recherché et provoque le désir des autres, donc la crainte paranoïaque d'être volé. L'obsession d'Harpagon est donc d'éviter la blessure d'être, l'amputation de son identité que constituerait pour lui une perte d'argent.
Harpagon se cache pour espionner les autres, puisqu'ils croient qu'eux-mêmes l'espionnent. Harpagon cache son argent afin d'éviter toute perte d'identité. Où le cacher ? Dans le jardin, la terre, la nature protectrice, puis quand son obsession le convaincra qu'il est ainsi trop loin de lui, il le cachera dans une autre terre, sous les dalles de sa chambre, pour le sentir encore plus proche de lui, l'avoir toujours sous les yeux.
Le thème de l'or, à l'évidence, ne pouvait assouvir sa faim, extérieur à lui, il ne pouvait que vouer Harpagon à l'échec et à l'angoisse. Mais cet échec a vraiment débuté lorsqu' Harpagon, fasciné par Marianne, comme Arnolphe par Agnès ou Alceste par Célimène, a commencé à désirer passionnément celle qui pourrait être sa petite fille... Alors tout va se dérégler, les rôles vont s'inverser, les fils vont prendre le pouvoir, les valets trouveront l'or caché et l'avidité d'Harpagon deviendra l'avarice.
Daniel Benoin
106, rue Brancion 75015 Paris